Dans mon précédent article (« Banques centrales et taux directeurs : notions à comprendre »), j’expliquais que si les taux d’intérêt restaient très faibles, voire négatifs, cela était dû à une volonté des Banques Centrales dont je rappelais le fonctionnement et les outils.
Aujourd’hui, pour prolonger la réflexion, on peut légitimement se demander jusqu’à quand cette situation de taux très bas sera tenable.
Rappelons qu’en 2016, les taux interbancaires du type EURIBOR passèrent pour la première fois de l’histoire économique, sous les 0%. Les taux des OAT de l’Allemagne et quelques autres pays suivirent et ce fut en 2019 pour la France.
Il faut bien comprendre que si les taux restent si bas, cela est en partie dû à une volonté politique qui se manifeste par les actions des banques centrales et pour ce qui nous concerne, de la BCE. En effet, la dette de très nombreux pays de la Zone Euro ne fait qu’augmenter, d’année en année et encore plus avec la crise sanitaire. Dans ce contexte, une hausse des taux directeurs de la BCE ferait exploser les flux financiers sortant des Etats et correspondant au simple remboursement de la dette. Selon une étude d’Euler Hermes, la France pourrait mettre 67 ans à effacer la dette covid-19, contre 26 pour l’Italie et 7 pour l’Allemagne. Déjà aujourd’hui, en France, malgré les taux négatifs, le pays doit sortir plus de 50 milliards par an pour rembourser sa dette ! C’est plus que tout le budget de l’armée ! Qu’en serait-il avec des taux élevés ? La France ne pourrait plus suivre et serait au bord de la faillite. A moins d’un moratoire de la dette demandé par toute une partie de la gauche. On comprend que les taux bas peuvent encore avoir de l’avenir et donc, corrélativement en bourse, les valeurs de haut-rendement (le « high yield »), très recherchées en 2021 !
Même si les taux négatifs du marché interbancaire (qui se répercutent sur le taux auquel vous remboursez vos crédits, rappelons-le) se maintiendront aussi longtemps que le voudra la BCE, les taux négatifs sur les obligations d’état risquent de vivre leurs derniers instants quant à eux!
En effet, l’inflation est progressivement de retour.
Elle l’est aux Etats-Unis et l’Atlantique ne sera pas un rempart à son importation sur le vieux continent, pas plus que les frontières européennes furent un rempart au nuage de Tchernobyl! En effet, la structure du commerce mondial fait la part belle aux importations depuis les Etats-Unis : l’Union Européenne importe 12% de ses marchandises depuis les Etats-Unis et 30% de ses services.
Or, les derniers chiffres de l’inflation ont de quoi alarmer Outre Atlantique.
Le Bureau of Labor Statistics des États-Unis a récemment signalé que le taux d’inflation a grimpé à un 5,4%… C’est la plus forte augmentation en 13 ans, et c’est plus de trois fois et demie la hausse de l’année précédente. Et il a été récemment signalé que l’indice des prix à la production – une mesure clé de l’inflation fondée sur le coût des biens pour les producteurs – a augmenté de 8,3 %, un record historique.
Pour autant, dans la logique qui est celle des banques centrales des pays développés d’Occident, la FED bloque sur l’augmentation de ses taux directeurs.
Car, là-bas aussi, même une légère hausse des taux d’intérêt fera augmenter considérablement les paiements d’intérêts sur la dette fiscale. Ce qui est inacceptable pour toute administration et susciterait donc une forte résistance politique et citoyenne.
Forte inflation, sans contrepartie de taux d’intérêt… Voilà la nouvelle donne aux USA qui n’est d’ailleurs probablement pas étrangère à la hausse du dollar. Seulement, la politique des banques centrales n’est pas un rempart total et absolu à la hausse des taux obligataires. Ainsi, aux USA, le taux de l’emprunt à 10 ans est actuellement à 1.45%.
Dans le contexte que nous venons de dépeindre, qui fut celui de 2020 et de 2021, les valeurs de rendement en bourse ont été très recherchées après avoir été fuies au début de la crise sanitaire pour cause de moratoire sur les dividendes pour beaucoup d’elles.
Pour la suite, on peut dire que les valeurs ayant des taux de rendement élevés et pérennes, n’ont pas de vrai souci à se faire. En effet, les taux obligataires sont les vrais concurrents des valeurs de rendement. Mais les obligations souveraines apparaissent de plus en plus risquées vus les niveaux de dette des états.
Or, même si ces taux ont tendance à augmenter en raison des pressions inflationnistes consécutives aux énormes injections de liquidités qui déprécient la valeur de la monnaie et font corrélativement croitre le prix des biens et services, les politiques des banques centrales restent un frein à cette augmentation. Un krach obligataire, qui verrait donc flamber les taux obligataires serait la seule vraie menace pour les valeurs de haut rendement. Le krach obligataire est encore peu probable à ce stade car, une fois de plus, les banques centrales continuent cette politique de laquelle elles ne peuvent plus s’extraire désormais. Voilà pourquoi un moratoire partiel de la dette n’est pas impossible.