La célèbre agence de notation Fitch a dégradé la note de la dette à long terme des Etats-Unis de AAA à AA+. Si la note reste convenable, elle traduit avant tout des inquiétudes sur la trajectoire financière des Etats-Unis. Les projections budgétaires révèlent une dégradation criante de la solidité financière de la première économie mondiale. La dégradation de Fitch apparaît comme un acte de prudence face à une stabilité financière qui pourrait encore être amputée. Décryptage de la situation budgétaire des Etats-Unis.
Une dégradation justifiée ?
Dans son communiqué, l’agence de notation précise que « la dégradation de la notation des États-Unis reflète la détérioration attendue des finances publiques au cours des trois prochaines années, un fardeau de la dette du gouvernement général élevé et croissant, ainsi que l’érosion de la gouvernance par rapport aux pairs notés ‘AA’ et ‘AAA’ au cours des deux dernières décennies, se manifestant par des confrontations répétées concernant la limite de la dette et des résolutions de dernière minute ».
Les interrogations de l’agence de notation sont assez fondées pour être justifiées. En outre, l’agence rappelle justement que le niveau de dette des Etats-Unis, bien que supporté par la force du dollar et un dynamisme économique, est largement excessif dans sa catégorie. Le niveau de dette des Etats-Unis était près de 3 fois supérieur à celui des autres Etats notés AAA. L’agence met aussi en avant la « vulnérabilité de la position budgétaire des États-Unis face aux futurs chocs économiques »…
« Le ratio dette/PIB du gouvernement général devrait augmenter au cours de la période de prévision, atteignant 118,4 % d’ici 2025. Le ratio de la dette est plus de deux fois et demie supérieur à la médiane ‘AAA’ de 39,3 % du PIB et à la médiane ‘AA’ de 44,7 % du PIB. Les projections à plus long terme de Fitch prévoient une augmentation supplémentaire de la dette/PIB, ce qui accroît la vulnérabilité de la position budgétaire des États-Unis face aux futurs chocs économiques. »
Prévisions budgétaires peu encourageantes
Le département du budget du Congrès a publié ses prévisions budgétaires jusqu’en 2033. Ces dernières révèlent un clair et net affaiblissement de la stabilité financière du pays. Le tableau ci-dessous montre les principaux composants anticipés du budget pour les 10 prochaines années. Le fait notable est que le budget dédié au paiement de la charge d’intérêt devrait dépasser le très célèbre budget de la Défense d’ici 2026 ou 2027. C’est-à-dire que les Etats-Unis dépenseront plus en charge d’intérêt qu’en force militaire d’ici quelques années.
Au-delà de cette observation, nous voyons que le déficit en 2030 est prévu à près de 7 % du PIB, contre déjà 5 % aujourd’hui. Cette hypothèse est également fondée sur l’idée d’une croissance assez stable, sans récession. A cet égard, l’agence Fitch anticipe aussi une « légère » récession d’ici le denier trimestre 2023 et le premier trimestre 2024. Ainsi en 2033 la charge d’intérêt pourrait s’élever à elle seule à 1 430 Mds$, un record. La dette publique au PIB (détenue par le public) anticipée dans 10 ans est prévue à près de 20 % du PIB, soit 20 points au-delà du niveau actuel.
La politique budgétaire très accommodante serait même préjudiciable aux citoyens. L’agence Fitch rappelle que « le CBO prévoit que le fonds de la sécurité sociale sera épuisé d’ici 2033 et que le fonds de l’assurance maladie hospitalière (utilisé pour payer les prestations en vertu de la Partie A de Medicare) sera épuisé d’ici 2035 selon les lois en vigueur, posant des défis supplémentaires pour la trajectoire budgétaire à moins que des mesures correctives opportunes ne soient mises en œuvre ».
Et si les gouvernements n’assumaient plus ?
En France, la charge d’intérêt devrait devenir le premier budget de l’Etat d’ici 2027, devant l’éducation, avec 70 Mds€. L’endettement excessif des Etats a été mené à l’encontre des avertissements de la plupart des économistes libéraux. Malgré tout, les gouvernements poursuivent sans logique de rigueur particulière. Janet Yellen, la secrétaire au Trésor, a mentionné son incompréhension face à la décision de Fitch, alors même que l’agence avait placé la dette à long terme en « surveillance négative » dès le mois de mai.
La dégradation de la stabilité financière des principales économies mondiales interroge. Bien sûr, la dégradation de Fitch n’est pas de nature à aggraver la situation. Mais les faits avancés pour justifier cette décision sont bien présents et lourd de sens. Les Etats-Unis ne sont pas les seuls dans ce cas, et de nombreux pays connaissent des projections plus négatives encore. Nous observons effectivement un clair délabrement de l’équilibre budgétaire des Etats. Mécaniquement, tout choc sur les taux, sur la croissance, ou sur les dépenses, serait de nature à traduire un effet négatif encore plus persistant et croissant pour tous les pays concernés.