La Turquie a connu une série de revers économiques ces dernières années. Certains économistes estiment que la politique du président Recep Tayyip Erdogan est totalement irresponsable. Il a été accusé de ne pas respecter les principes économiques classiques avec ce manque de transparence digne de tous les dirigeants totalitaires.
C’est en 2018 que tout commence. La Turquie subit alors une crise monétaire violente, qui a été largement attribuée à des politiques accommodantes telles que des taux d’intérêt bas et des déficits budgétaires importants, ainsi qu’à une intervention accrue du gouvernement dans les affaires économiques. Euphémisme, vu que celui-ci a carrément emprisonné des grands dirigeants de grands groupes turcs pendant que certains autres ont réussi à s’exiler. Ainsi, la majeure partie de l’économie turque a été prise en main par des administrateurs judiciaires à la compétence managériale plus que limitée. Le résultat est facile à deviner. Cependant, d’autres facteurs tels que la guerre en Syrie et les relations tendues avec les pays occidentaux (suite au soutien à peine voilé à l’État islamique appelé Daesh) ont également contribué à la détérioration de la situation économique.
Le non-prix nobel d’économie: Recep Tayyip Erdogan
Le gouvernement turc a effectivement mené une guerre contre les milieux d’affaires, ce qui a provoqué de graves conséquences sur l’économie du pays. Certaines entreprises populaires ont été confisquées, et des patrons d’entreprises ont été incarcérés. Cela a eu des conséquences sur certaines villes, telles que Kayseri et İzmir, où des familles d’affaires et des entreprises ont été durement touchées. Les conséquences de cette guerre menée par le gouvernement contre les milieux d’affaires ont naturellement provoqué une fuite des businessmen turcs et, par la même occasion, des devises étrangères qui les accompagnaient.
Ainsi, la Turquie a bien changé dans l’esprit des investisseurs internationaux à ce moment-là, le Coran dictant certaines décisions totalement ubuesques. Le pays dirigé par Recep Tayyip Erdogan a ainsi accumulé les chocs économiques, un à un. Et comme si cela ne suffisait pas, à l’été 2018, les tensions entre l’autocrate et son alter ego américain, Donald Trump (“ego” est le bon mot pour ces deux énergumènes) accentuèrent les difficultés. Il n’en fallait pas moins pour que le locataire de la Maison Blanche incite les investisseurs à vendre leurs livres turques. Quand les grandes banques américaines s’allient pour faire tomber une monnaie, vous pouvez être sûr que personne ne peut résister face à ce tsunami monétaire. Les américains, alliés de longue date aux turcs, lâchaient l’ancien empire Ottoman, soudainement. Le reste du monde occidental fit de même. En 2020, le Covid faisait plonger les recettes touristiques du pays. On ne peut pas dire que Erdogan ait eu le nez fin à cette période-ci.
Un pays touristique où les monuments historiques sont nombreux.
Mais quand on est mauvais, on est mauvais, et souvent, c’est un trend de long terme. Si le pays a plutôt bien résisté aux effets de la pandémie, de nouveaux choix politiques ont largement renforcé les difficultés de l’après-Covid. Alors que l’inflation remontait fortement en 2021-2022, les banques centrales de la plupart des pays émergents ont commencé à relever leur taux d’intérêt pour endiguer la hausse des prix. Le président Erdogan, lui, n’a pas vu les choses de la même manière. Il a limogé le gouverneur de la banque centrale qui remontait judicieusement les taux et a ordonné à son successeur de baisser les taux pour relancer la croissance. Le taux directeur est passé de 19 à 9% aujourd’hui. La Turquie étant une base de production pour de nombreux industriels européens et exportant beaucoup vers le Vieux Continent, baisser les taux doit faciliter le financement des exportateurs et des grands travaux. Certes. Mais la fuite des capitaux n’a été que plus rapide, la monnaie en a subi toutes les conséquences. Les prix aussi.
Toutefois, cette politique a permis au PIB de croître de 11% en 2021, après avoir évité la récession en 2020. Cocktail détonnant pour provoquer un phénomène de surchauffe dont voici les conséquences. Les sorties de capitaux ayant accéléré en 2022, la monnaie a perdu plus de la moitié de sa valeur par rapport à l’euro et au dollar, et l’inflation a atteint 85% en octobre 2022 ! Résultat d’une “politique économique désastreuse” selon l’économiste Timothy Ash. Ainsi, le spécialiste de la Turquie au cabinet BlueBay Asset Management affirme que le pays fait face à “une spirale inflation-dévaluation du type Argentine-Venezuela”. Tout est dit… la marmite boue, prête à exploser. En réaction à ces chiffres alarmants, le gouvernement a augmenté de 50% le salaire minimum, nécessaire mais insuffisant pour soutenir la consommation. C’est même contre productif, la boucle prix-salaire est maintenant, elle aussi, en train d’alimenter le phénomène. La spirale infernale est lancée, et à l’heure où j’écris cet article : pas de changement radical de politique économique.
D’autant que la Turquie fait désormais face à une autre difficulté : la guerre en Ukraine affaiblit nettement son économie. Le conflit a fait grimper le prix des matières premières, notamment du blé et du pétrole, dont le pays est fortement importateur. Ce qui accroît mécaniquement le déficit courant, alors même que les investisseurs sont réticents à financer l’économie. Les réserves de change fondent à vue d’œil.
A force de vouloir faire croître le PIB à tout prix, les déficits budgétaires se sont creusés et sont devenus une source d’inquiétude, là-aussi. Certains économistes s’attendaient à ce que le déficit courant atteigne 4 % du PIB en 2022, d’autres 8 notamment si les prix des matières premières ne baissaient pas, le pays étant fortement dépendant du blé russe et ukrainien. Les prix ont baissé. Soulagement!?!? Mais pour combien de temps?
L’inflation baisse selon le gouvernement turc, est-ce la vérité?
La croissance, elle, donne de gros signes de faiblesses depuis l’automne 2022. Selon certains grands analystes, le chemin de l’expansion économique risque de s’arrêter brusquement, jugeant que la trajectoire actuelle de la Turquie est intenable. C’est ce que l’on appelle une spirale hyperinflationniste. L’inflation et la dépréciation de la monnaie augmentent le risque de crises plus profondes de la balance des paiements, financière et politique. Aux dernières nouvelles, le pays verrait l’emballement se résorber. Mais les économistes indépendants du groupe de recherche sur l’inflation, appelé ENAG, affirment l’inverse avec des estimations bien au-delà des 100%. Alors qui croire? Eh bien, vous en aurez une vague idée quand vous saurez que ces personnes sont toutes menacées d’être emprisonnées. Ainsi va cette dictature qui ne dit pas son nom. Le peuple court à sa perte. Erdogan aussi. Et nous pouvons l’affirmer haut et fort: il ne sera pas prix Nobel d’économie cette année.