En 1945, l’île de Formose est abandonnée par les Japonais qui viennent de perdre la guerre face aux américains. La République de Chine, alors dirigée par le général Tchang Kaï-Chek, la récupère. Mais, suite à la prise de pouvoir à Pékin par les communistes, la République Populaire de Chine est créée en 1949. Les troupes du général se réfugient à Formose et conservent (encore aujourd’hui) le nom officiel de République de Chine. L’une est donc “populaire” et l’autre pas!!! Maintenant, Taïwan est une nation insulaire paisible située au large de la côte sud-est de la Chine. Avec une population d’environ 23 millions d’habitants, Taïwan est reconnue pour être la “petite Chine” mais cette lecture est loin d’être unanime.
En termes économiques, l’île est devenue une force importante dans la région de l’Asie du Sud-Est avec des secteurs clés tels que la technologie, l’industrie manufacturière, l’agriculture et le tourisme. Mais, Taïwan est particulièrement reconnu pour son secteur technologique, avec des entreprises comme TSMC et ACER, respectivement dans les semi-conducteurs et l’informatique.
La République de Chine est le nom officiel de Taïwan.
Politiquement, la situation est complexe. Taïwan est une démocratie multipartite avec un gouvernement plutôt stable et transparent. Le pays a connu une transition pacifique du pouvoir depuis son passage à la démocratie dans les années 1980 et a adopté une approche ouverte aux occidentaux et axée sur le commerce avec le reste du monde. Cependant, Taipei entretient une relation complexe avec Pékin, car la Chine considère Taïwan comme faisant partie de son territoire, tandis que Taïwan est autonome et fonctionne comme un pays indépendant. Malgré cela, les insulaires entretiennent des liens économiques et culturels étroits avec l’Empire du Milieu mais aussi de nombreux autres pays à travers le monde alors que seuls 14 pays reconnaissent son existence politique, les plus connus d’entre eux étant la Paraguay et l’Equateur (tout est dit)… Un à un, les derniers pays pro-Taïwan se détournent de Taipei au bénéfice de la puissante République Populaire de Chine.
La culture taïwanaise est riche d’histoire.
Après quelques décennies de calme relatif, les tensions politiques ont commencé à s’accentuer à mesure que Taïwan a su développer sa démocratie et son économie pendant que la Chine continentale, d’un autre côté, est devenue de plus en plus puissante sur la scène internationale. Fin des années 90, la Chine a donc intensifié sa campagne pour empêcher l’internationalisation de Taïwan et a commencé à mettre en place des mesures pour bloquer Taïwan dans sa participation aux organisations internationales. Pékin a aussi influencé les relations de Taïwan avec d’autres pays, par pression diplomatique et menaces économiques. Par ailleurs, les continentaux ont développé un arsenal militaire important dans le but d’intimider les insulaires pour, notamment, dissuader toute tentative de sécession de la part de Taïwan.
Taïwan, un pays touristique à bien des égards
Ces tensions ont continué de s’intensifier ces dernières années, avec des manœuvres militaires de la part de la Chine dans les eaux autour de l’île de Formose. Des provocations verbales ont éclaté de part et d’autre de la mer de Chine. Cependant, les 2 protagonistes ont également continué à maintenir des liens économiques et culturels étroits et ont réussi à éviter une escalade militaire directe jusqu’à présent.
Jusqu’à présent… Mais voilà qu’en 2022, le ton est monté encore d’un cran lorsque Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, a fait un voyage controversé sur l’île de Formose. La démocrate, qui est une fervente défenderesse de la liberté dans cette région du monde depuis des décennies, et notamment en Chine, a créé (volontairement?) un incident diplomatique conséquent. Même si l’on s’est rapidement aperçu que les postures de chacun n’étaient que des positionnements géopolitiques, il n’en est pas moins que les tensions sont devenues palpables, notamment pour le grand public occidental. Vol d’avions de chasse chinois au-dessus de l’île. Présence de plus en plus intensive de la flotte américaine dans les eaux taïwanaises. Bref, tout le monde a montré les crocs. Tout le monde s’est jaugé.
Mais qu’est ce qui intéresse tant les américains là-bas? On pense évidemment à l’influence de l’Oncle Sam sur cette région depuis la 2nde guerre mondiale. On peut aussi penser à cette vieille rancune à l’encontre de la Chine concernant la guerre du Vietnam. Guerre perdue en partie à cause de l’aide inconditionnelle des chinois envers le Viet Minh (le parti communiste vietnamien). Mais il semble que l’intérêt soit finalement beaucoup plus terre à terre, si l’on peut oser le jeu de mot pour le cas très insulaire que nous traitons ici.
En effet, le sujet qui « gêne » le plus les américains est le dossier TSMC. Mais que se cache-t’il derrière cet acronyme? Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) est une entreprise taïwanaise de fabrication de semi-conducteurs, basée à Hsinchu, située à une trentaine de kilomètres au sud de Taipei. C’est l’un des plus grands fabricants de semi-conducteurs au monde. L’entreprise est connue pour sa technologie de pointe et sa capacité de production de semi-conducteurs d’une très haute pureté. Pureté quasi inégalée dans le monde avec une telle quantité produite. TSMC est donc un fournisseur clé de semi-conducteurs pour de nombreuses entreprises technologiques de premier plan, y compris APPLE (1ère capitalisation boursière du NASDAQ), NVIDIA (7ème), QUALCOMM (22ème) et de nombreuses autres. L’entreprise est également impliquée dans la recherche et le développement de nouvelles technologies de semi-conducteurs. Ce joyau de l’industrie taïwanaise est considéré comme un leader dans son domaine. TSMC et son avance technologique est la cible économique principale des chinois, mais aussi des américains. En bref, l’enjeu est donc la sécurisation des approvisionnements de grandes entreprises américaines.
Le joyau de l’industrie de pointe taïwanaise: TSMC.
La question est de savoir si la Chine envahira un jour l’île taïwanaise. Et par extension de savoir quand! Eh bien, 2023-2024 pourrait être la bonne date. Le premier axe d’explication à ce timing est la révolte populaire au sein même de l’Empire Du Milieu concernant la politique 0-covid mais aussi au sujet de la crise immobilière. “Occuper” la population avec des problèmes « extérieurs » est une des meilleures façons d’éteindre les problèmes “intérieurs”.
La plupart des cartes “officielles” intègre déjà l’île de Taïwan au sein de la Chine populaire.
Mais il apparaît un autre point d’attention qui me semble être le point d’alerte le plus sensible: les américains ont “autorisé” la construction d’une nouvelle usine TSMC en… ARIZONA. Et pas une petite, 12 milliards de dollars d’investissement, rien que ça. L’ouverture est prévue pour 2024. La dépendance aux usines taïwanaises s’amenuisant, il devient difficile pour les américains de continuer à défendre ce bout de territoire plus vraiment soutenu par qui que ce soit et dont le seul intérêt est une technologie qui sera dans peu de temps sur le sol américain. L’autre Chine ne risque-t-elle pas d’être mangée tout cru dans les mois qui viennent? Une hypothèse, année après année, qui devient de plus en plus plausible. Alors surveillons de près les épisodes à venir de ce serpent de mer géopolitique. Le secteur des semi-conducteurs en sera le premier impacté structurellement. Le reste de l’économie numérique ne pourra là aussi que subir la déflagration d’un acte belliqueux (préparé?) à l’encontre de la petite île défendant l’idée d’une autre Chine. Bonne journée à tous,