Ces derniers jours, nous assistons au retour de la volatilité. Le VIX (volatilité du S&P500) a atteint le 13 mai 2021 le niveau symbolique des 29. Le VIX est passé d’un plus bas post-COVID de 16 à près de 20 aujourd’hui. Le seuil des 20 sur le VIX est statistiquement révélateur. Si la volatilité venait à se maintenir durablement au-delà de ces niveaux, nous pourrions assister à une deuxième phase de crise. Sans grandes surprises, le contexte économique explique en grande partie ce regain de volatilité. Il sera donc important de distinguer les facteurs macroéconomiques et les conséquences financières.
Volatilité ou l’épée de Damoclès des marchés boursiers.
VIX, indicateur clé.
Le VIX est l’indice de volatilité des marchés actions américains. Écrit plus clairement, il mesure le niveau des stress financier qui règne chez les investisseurs. Cet indice est très pertinent car extrêmement canalisé dans le temps. Trois niveaux techniques se distinguent sur le VIX :
- Le premier niveau se situe entre 10 et 20. Ce niveau est un niveau dans lequel les marchés sont très calmes et une situation de crise éloignée. Depuis 1990, le VIX est resté 56% du temps sous le niveau des 20. Un dépassement de ces niveaux signifie donc l’entrée dans une situation de nature anormale.
- Le deuxième canal sur le VIX est celui des 20//30. Depuis 1990, le VIX est resté sur ces niveaux 42% du temps environ.
- Enfin, le dépassement du niveau des 30 est historiquement réservé aux crises : 1997, 1998, 2001, 2002, 2008, 2010 et 2011, et enfin 2020.
Historiquement, ces regains de volatilité après les pics de crise sont tout à fait normaux. Néanmoins, une augmentation très rapide de la volatilité en période de reprise n’est pas un signe encourageant pour certains secteurs ou territoires. Il s’agit généralement d’un avertissement de moyen terme.
Ce qui détermine la volatilité sur les marchés.
J’ai beaucoup rédigé sur les cycles monétaires et financiers. Les marchés ne sont rien d’autre que la liquidité [voir notre précédent article]. Comme expliqué précédemment, les marchés sont comparativement survalorisés à moyen terme. Les niveaux de liquidités deviennent insuffisants pour alimenter une hausse aussi importante pour les prochains mois. Cela provoque nécessairement des stress de liquidités, et donc un regain évident et puissant de volatilité. Cependant, nous ne pourrons que rappeler le fait que le risque de krach est statistiquement très limité (taux faibles, sous-valorisation de long-terme, diminution des déficits publics, etc.).
Un autre indicateur majeur, plus économique, est le fameux taux 10 ans américain duquel est déduit le taux à 2 ans. Quand les agents n’anticipent aucun risque, ils préfèrent détenir des obligations de long terme plutôt de des obligations de court terme. Inversement, en période de crise, les agents préfèrent se diriger vers des obligations de court terme où la visibilité sur la solvabilité des États est meilleure.
Avant la crise du COVID, l’arrivée sur le niveau des 0 était un signal de crise. Depuis, nous sommes dans un processus de réajustement qui implique nécessairement la hausse des taux souverains. Ce processus est encore en phase de démarrage en Europe [voir notre article]. Dans les prochains mois, même dans le cas d’une reprise, il faut s’attendre à ce que l’écart entre les taux à 10 ans et à 2 ans se creuse. C’est un signe du maintien de fortes tensions économiques à moyen terme mais aussi d’une probable reprise plus ou moins durable à long terme.
La reprise ne sera pas parfaite…
Ainsi, nous entrons dans des marchés survalorisés à moyen terme, ce qui se retrouve sur le stress des marchés. D’autre part, nous entrons dans la deuxième phase de reprise qui va nécessairement impliquer des risques nouveaux. Divers risques sont à différencier :
- La hausse des taux en Europe ne fait que commencer. Les tensions sur les taux européens devraient se maintenir au moins jusqu’au premier semestre 2022. Le taux français à 10 ans continue sa hausse et dépasse le niveau des 0,25%, niveau qui n’a pas été atteint depuis 2 ans ! Les risques sur les taux sont bien réels et devraient se poursuivre à l’été et à l’automne alors que la reprise va accélérer l’inflation en Europe.
- La reprise est une reprise par effet de base. L’endettement restera mécaniquement plus élevé, les entreprises plus vulnérables, le chômage et le taux d’épargne structurellement plus élevé. Cela aboutira à une économie moins performante, avec une diminution du potentiel haussier des indices et des risques de liquidités accrus hors interventions des banques centrales.
- La reprise ne sera pas uniforme et l’écart des dynamiques de croissance en Europe va se creuser. En outre, on notera par exemple que le solde TARGET 2 (voir note en bas de page) est très divergent. Les pays du Nord de l’Europe comme l’Allemagne ou le Luxembourg sont très nettement créditeurs tandis que les pays du Sud sont débiteurs. Il s’agit principalement de l’Espagne (débiteur de 500Mds€ comme l’Italie), de l’Italie et de Grèce, ainsi que de la BCE et de la France.
En bref, la reprise en cours en Europe va générer, comme après 2000 ou 2009, des risques sur certains secteurs, les États et les marchés boursiers. Il s’agit essentiellement de risques de moyen terme. On pourrait ainsi assister à des mouvements correctifs sur actions à l’été et des risques obligataires à l’automne 2021 et au printemps 2022.
Note : pour écrire simplement, TARGET 2 est un système de paiement entre banques centrales et commerciales en zone euro uniquement. Tous les 6 jours, plus de 13 000 milliards de dollars y sont échangés, soit autant que le PIB de la zone euro. Ce système est révélateur des flux de capitaux qui prennent effet entre les pays de la zone euro. À long terme, on observe une divergence croissante entre les pays créditeurs et débiteurs cités précédemment. Ce qui est dangereux.