Alors que le PIB du second trimestre aux Etats-Unis a reculé de 0,9 % sur le second trimestre 2022, après un recul déjà notable de 1,6 % au premier trimestre, les marchés boursiers ont rebondi sous l’impulsion d’un mouvement technique et de certains résultats d’entreprises. On se concentrera ici sur la validité ou l’invalidité fondamentale et technique de l’évolution récente des marchés boursiers. A côté de cela, la confirmation d’une récession technique (deux trimestres consécutifs de baisse du PIB) ne s’accompagne pas chez les institutions économiques et monétaires de la reconnaissance de la récession. Ce comportement inédit renforce aussi l’incertitude et la désorientation des marchés et pourrait faire peser des risques sur l’évolution à moyen terme des indices.
Entrée en récession : un nouveau risque de déconnexion entre l’économie et la bourse ?
L’entrée en récession de l’économie américaine, avec le recul de près de 2,5 % du PIB sur le second semestre, marque l’entrée dans une récession relativement importante. Néanmoins, un des arguments avancé par le Président de la Banque centrale américaine (la FED), Jérôme Powell, est de rappeler la croissance significative du PIB en 2021. Néanmoins, cet argument n’est pas valide dans la mesure où cette croissance en 2021 est principalement expliquée par un effet de rattrapage face à la crise de 2020. En ce sens, le recul du PIB américain de plus de 2 % n’est pas un signal sans incidence et il s’agit effectivement d’un recul du PIB ayant une emprise sur l’économie réelle.
Nous avons représenté sur le graphique ci-dessus l’évolution comparée du S&P 500, en rouge, et du PIB américain (réel, en milliards de dollars). On remarque que la croissance du PIB a été globalement plus importante sur la période 2015-2020 que la progression du S&P 500. La crise du COVID a permis de synchroniser les deux indices qui connaissent récemment une meilleure symétrie. Ainsi, la baisse des marchés boursiers à partir de janvier 2022 a confirmé, également, la baisse du PIB que l’on connaît. Mais la baisse du S&P 500 semble un peu « exagérée » sur le second semestre. Dès lors, deux scénarios se présentent à nous :
- Tout d’abord, la continuité du mouvement récessif sur le troisième trimestre 2022. Dans ce cas, la baisse des marchés récente est amplement justifiée et une accélération, potentiellement rapide, de la chute des indices ne serait pas à omettre. En effet, il advient un niveau de chute du PIB qui ne sera pas sans impact sur le marché de l’emploi, et ainsi sur le discours des autorités économiques et monétaires.
- Par ailleurs, un ralentissement de la récession ou le retour de la croissance économique américaine au troisième trimestre 2022 justifierait les niveaux actuels de l’indice S&P 500, et pourrait laisser entrevoir un léger rebond.
En ce sens, il est probable que les chiffres de la rentrée précisent la situation fondamentale des indices boursiers. Une nouvelle dégradation de la conjoncture économique dans les prochains mois pourrait commencer à avoir des conséquences systémiques et irréversibles sur certains marchés, en particulier ceux touchés par l’inflation ou le ralentissement d’activité.
Quels mouvements techniques ?
En parallèle à ces évolutions fondamentales, les évolutions techniques nous fournissent un élément supplémentaire d’indication. La brutalité du krach de 2020 avec la crise du COVID a provoqué une figure technique dite en V bottom sur une durée de près de 6 mois. L’objectif haussier suivant suggéré par cette figure était le niveau des 4 600 sur le S&P 500. Mais à partir de la fin 2021, les signaux techniques s’inversent. On remarque d’abord la formation d’une divergence baissière qui entraîne la formation d’une figure en épaule tête épaule début 2022.
Cette figure en épaule tête épaule a validé l’excès haussier des marchés et laissait supposer un objectif baissier à 3 640, qui a été atteint mi-juin 2022. Désormais, nous avons assisté à la formation d’une double/triple bottom qui donne un objectif haussier autour de 4 100 à 4 200. De plus, ce mouvement haussier de court terme s’accompagne d’un signal de retournement haussier fractal depuis début juin.
En clair, la continuité de la récession pourrait faire plonger les indices plus significativement vers les 3 600 et plus bas. Dans ce cas, un tel mouvement entraînerait certainement une chute plus brutale du S&P 500. Il est important de noter que le retracement de Fibonnacci dessiné depuis le plus bas de mars 2020 donne un premier support à 3 800 (qui a été atteint et correspond au 61,8 % du retracement), suivi d’un deuxième support à 3 500 (50 %), puis 3 200 (38,2 %). En prenant en considération ce dernier support, qui serait atteint dans un contexte très pessimiste, nous serions donc à l’heure actuelle à la moitié de la baisse potentielle.
Cependant, dans le scénario d’un spectre récessif modéré, alors ce rebond récent des marchés validerait une amélioration prochaine de la conjoncture économique, ce qui pourrait projeter de nouveau les indices vers les précédents sommets.