Dans quelques semaines, les marchés seront très attentifs à la réunion des banques centrales dans le Wyoming. L’évolution récente de l’emploi et de l’inflation pourrait influencer plus fortement le comportement des indices des prochaines années. Il est important de saisir la nature actuelle de l’inflation et son impact à terme sur l’évolution des indices.
Interdépendance entre inflation, dette et monnaie.
Définir l’inflation pour la comprendre.
Malheureusement, l’inflation reste un objet de débat idéologique. Néanmoins, les données récentes montrent plus clairement le lien entre dette, monnaie et inflation. Récemment, nous assistons à une forte progression de l’inflation qui semble confirmer un potentiel retour de l’inflation structurelle à long terme. En théorie économique, en particulier à partir de certaines hypothèses monétaristes, l’évolution de l’inflation peut se décrire comme le résultat de trois principaux facteurs :
Inflation = (Masse monétaire x Vélocité) /PIB réel (PIB ajusté de l’inflation ou production)
On entend ici par vélocité, la vitesse de circulation de la monnaie (c’est-à-dire la masse monétaire divisée par le PIB). Par exemple, une hausse de la vitesse de circulation de la monnaie pour un même PIB implique une hausse de l’inflation. L’élément central qui fait varier la vélocité ou le PIB est la masse monétaire. Ainsi, une hausse de la masse monétaire, comme c’est le cas actuellement, peut avoir deux effets à long terme :
- Une hausse de l’inflation. Dans ce cas, la hausse de la masse monétaire s’accompagne d’une vélocité stable voire supérieure, ce qui résulte dans une hausse forte de l’inflation.
- Une stagnation de l’inflation. C’est la situation que nous vivons depuis plusieurs décennies. La hausse de la masse monétaire s’accompagne d’une rapide réduction de la vélocité et d’une légère hausse du PIB, ce qui fait stagner l’inflation.
Pour les Keynésiens, il est également important de prendre en considération l’impact de la masse monétaire sur le PIB, relativement faible aujourd’hui. Ces dernières années, nous assistons à une forte chute de la vélocité et une forte expansion de la masse monétaire. Cela traduit la présence d’une inflation sur les actifs, qui ne sont pas à l’origine directe de la production.
La nature de l’inflation actuelle.
De plus, on notera que la majeure partie de la création monétaire passe par les déficits publics (corrélation de 99%). Il existe ainsi un lien croissant entre vélocité et déficit public (plus de 80% de corrélation pour les États-Unis depuis 2003).
Le graphique ci-dessus montre la réelle nature de l’inflation des derniers mois. Comme à chaque crise, on assiste d’abord à une réduction de la vélocité suivie de forts déficits, ce qui entraine la déflation. En fin de récession, la vitesse de circulation de la monnaie rebondie tandis que les déficits sont particulièrement élevés : c’est le choc inflationniste. La forte inflation actuelle est donc avant tout le fait de forts déficits aux États-Unis avec une fluidité économique forte.
À long terme, l’inflation structurelle est déterminée par la vitesse de circulation de la monnaie. Cette vitesse de circulation de la monnaie serait amenée à rebondir si les déficits venaient à se réduire fortement dans les prochaines années. Le retour de l’inflation structurelle est donc plus probable à long terme que le maintien de l’inflation actuelle (sur une à deux décennies), souvent jugée relativement transitoire.
Orientation des marchés.
Le lien exacerbé entre masse monétaire et performances boursières.
L’orientation des marchés à long terme semble suivre une règle d’une rare simplicité : celle de la masse monétaire. Si nous réalisons une étude simple du coefficient de Pearson entre l’évolution de la masse monétaire pour les États-Unis (M2) et le S&P 500 le taux de corrélation dépasse 96% sur la seule période 2015-2021 ! Le graphique ci-dessous est plus explicite et reprend la comparaison des courbes de la masse monétaire et de l’indice boursier S&P 500
L’idée entière d’être haussier ou baissier sur les marchés est donc plus une question économique qu’une question financière. On notera par ailleurs que la corrélation entre la dette publique et la masse monétaire est de 99,4% depuis 1981. Cela signifie que la hausse de la dette publique implique la hausse des indices. Tant que les gouvernements pratiqueront une politique de déficits publics, l’inflation se retrouvera systématiquement sur les marchés boursiers.
Le risque d’ici quelques années.
La création monétaire devrait se poursuivre comme à son habitude dans les prochaines années. La forte accélération de la création monétaire depuis le printemps 2020 a enclenché un processus de sous-valorisation des indices [voir mon article sur l’effet multiplicateur des liquidités]. Les prochains impacts monétaires devraient se faire ressentir naturellement d’ici à 2025/2026, avec un moindre effet de l’injection des liquidités passées. De plus, le discours actuel des banques centrales semble évoluer fortement avec l’explosion des prix de l’immobilier, et le maintien de l’inflation.
Une réduction du soutien des banques centrales à l’économie aurait un impact direct sur les performances des indices dans les prochaines années. Si l’on suit certaines anticipations récentes, comme celles publiées par Goldman Sachs, les indices pourraient suivre le scénario que nous anticipons à partir des données monétaires. Le taux de croissance des indices devrait ainsi progressivement décroitre, ce qui pourrait néanmoins pousser le S&P 500 au-delà des 5 000 points.
Enfin, on rappellera que le prochain risque de ralentissement économique, et de déstabilisation du système des prix, est plus proche temporellement que la normale. Un chômage américain à 5,9% signifie statistiquement un risque de récession d’ici 3,7 années en moyenne, au regard des 70 dernières années.