Nous avons examiné le déclenchement de la crise de 1929 (NAISSANCE DES CRISES FINANCIERES (1) : L’exemple de 1929 – Youtrading FR) et celui de la crise de 2008 (NAISSANCE DES CRISES FINANCIERES (2) : L’ exemple de 2008 – Youtrading FR) alors qu’une nouvelle crise financière est de plus en plus probable.
L’impact des crises financières sur l’économie « réelle » est particulièrement dévastateur lorsqu’elles conduisent à une spirale déflationniste. En effet, une crise amène une baisse des revenus des agents économiques (faillite d’entreprises, licenciements). Cette baisse des revenus entraîne une chute de la consommation et de l’investissement, donc de la demande. Cette baisse de la demande peut conduire à une désinflation (c’est-à-dire que les prix augmentent moins vite, l’inflation diminue) voire à la déflation, c’est-à-dire une baisse généralisée des prix. Ce n’est évidemment pas le cas aujourd’hui où l’inflation ne fait qu’augmenter, mais une fois que la crise sera vraiment déclenchée, une spirale déflationniste sera alors possible si on venait à constater une véritable absence de la demande.
Une déflation est dangereuse car elle va renforcer la baisse de l’activité économique. La déflation agit ainsi négativement par trois mécanismes :
– elle conduit à des reports des achats par les consommateurs (car ceux-ci anticipent que les prix vont continuer à baisser), ce qui fait diminuer la demande et accentue la baisse des prix (on retrouve le mécanisme des prophéties autoréalisatrices)
– elle fait baisser les marges des entreprises (puisque celles-ci vendent leurs produits moins chers), qui vont chercher à baisser les salaires ou à licencier du personnel, ce qui accentue la crise ;
– elle augmente le poids des dettes : il devient plus difficile de rembourser les dettes lorsque le chiffre d’affaires des entreprises diminue du fait de la déflation, ou que les revenus des ménages baissent du fait des baisses de salaire ou des licenciements. Pour se désendetter, les acteurs économiques procèdent à des ventes forcées d’actifs, générant de nouvelles crises (financières, immobilières…).
Ces différents éléments agissent négativement sur la consommation et l’investissement, ce qui renforce la baisse de la demande et conduit à une baisse supplémentaire de la production qui peut conduire à la dépression, c’est-à-dire une diminution importante et durable de la production et de la consommation. Les licenciements se multiplient, les entreprises ferment. La dépression, récession importante et durable, va ainsi conduire au développement d’un chômage de masse. Cette spirale déflationniste, à l’œuvre pendant la crise de 1929, a pu être évitée dans de nombreux pays développés suite aux plans de relance engagés après 2008, mais cela n’a pas été le cas en Grèce, où le PIB a baissé de 30% entre 2008 et 2015 et le chômage est passé de 7% à 25% de la population active.
Nous terminerons en nous demandant comment les banques centrales peuvent réguler le système financier. La régulation est l’ensemble des mécanismes et des règles qui assurent le bon fonctionnement et la stabilité du système bancaire et financier.
L’ampleur de la crise de 1929 a appris aux gouvernants qu’il était dangereux de ne pas intervenir en cas de crise financière et bancaire. Toutefois, sauver les banques lorsqu’elles sont au bord de la faillite engendre un problème nouveau. Les banques risquent alors en effet d’adopter un comportement d’aléa moral : se sachant assurées contre la faillite, elles risquent alors d’adopter une attitude moins prudente, augmentant par là même la probabilité que ce risque se réalise. Comment les régulateurs financiers peuvent-ils alors intervenir pour prévenir ce risque d’aléa moral ?
Premier volet de la régulation financière : réduire l’aléa moral des banques en renforçant leurs fonds propres avec le ratio de solvabilité.
Les banques ayant un rôle-clé dans la propagation des turbulences financières à l’économie tout entière, il est alors apparu nécessaire d’en renforcer le contrôle, en particulier après 2008 et la faillite de nombreuses banques dont Lehman Brothers. Dans les années 1980, les banques centrales des pays développés mettent en place un outil réglementaire pour limiter les risques de faillite : le ratio de solvabilité (c’est le rapport entre le fonds propre de la banque et ses engagements financiers : sommes prêtées et investies par leur risque). Les banques doivent disposer de fonds propres au moins égaux à 8% des crédits risqués qu’elles ont accordés. En cas de non remboursement d’une partie de leur crédit, elles disposent ainsi d’un capital suffisant pour absorber elles-mêmes leurs pertes sans avoir à être secourues par les pouvoirs publics.
La crise de 2008 a cependant montré que ce ratio de 8% pouvait être insuffisant. Il a donc depuis été renforcé sur plusieurs points :
– le ratio minimum est passé de 8% à 10,5% ;
– il doit même être plus élevé en cas de bonne conjoncture économique.
Notons cependant que les banques ont la possibilité d’évaluer elles-mêmes le niveau des risques de leur activité. Il existe toujours un risque qu’elles le sous-estiment pour ne pas avoir à disposer d’un niveau élevé de fonds propres (dont elles pensent qu’elles pénalisent leur rentabilité)
Deuxième volet de la régulation financière : réduire l’aléa moral par la supervision bancaire et la gestion des faillites.
La supervision bancaire correspond au rôle de surveillance des banques commerciales par la Banque Centrale.
Après la crise de 2008, dans plusieurs pays comme l’Irlande, l’Espagne ou Chypre, les Etats ont dû intervenir pour recapitaliser les banques, ce qui a augmenté la dette publique. L’union européenne a alors décidé d’accorder à la BCE un pouvoir de surveillance des plus grandes banques de la zone (surveillance de la solvabilité et de la liquidité des banques). La BCE doit alors signaler aux autorités européennes si la défaillance d’une banque est probable, et les autorités européennes décident des mesures à prendre via le mécanisme de résolution unique. Le principe étant que les pertes de la banque doivent avant tout être payées par les actionnaires ou les gros créanciers de la banque, ou que l’on puisse dans un fonds de résolution alimenté par les cotisations des banques, plutôt que de faire appel au renflouement des Etats. Autrement dit privilégier le sauvetage interne au sauvetage externe. Il faut cependant noter que le montant mobilisable par le fonds de résolution (55 milliards d’euros d’ici 2023) risque d’être insuffisant en cas de crise financière systémique.
Enfin, depuis 2014, la Banque Centrale Européenne surveille les banques grâce à la mise en place de stress test réguliers, pour voir si la banque est capable de résister à des chocs ; si ce n’est pas le cas, la banque doit augmenter sa part de fonds propres et réduire les risques.
La grande question qui se pose aujourd’hui est de savoir si les banques centrales n’ont pas utilisé tous les moyens à leur disposition… Si elles peuvent encore réguler le système de manière à éviter qu’une récession se transforme en dépression… Si la prochaine crise aura des conséquences limitées comme en 2008 ou terribles comme en 1929, menant à une guerre mondiale dix ans après le début de la crise…