Mesurer l’impact d’un tapering sur les marchés.
Dans nos dernières publications, nous sommes revenus sur le rôle déterminant de la masse monétaire envers l’évolution des indices et des marchés boursiers à long terme. Alors que les discussions autour d’un ralentissement des soutiens monétaires (« tapering ») se précisent, nous tenterons ici d’estimer l’impact boursier d’une telle décision. En effet, le risque est celui de voir la création monétaire stagner dans un premier temps, suivi de logiques plus restrictives dans un deuxième temps.
Politiques monétaires et performances boursières.
À partir de quand un tapering pourrait apparaitre ?
La corrélation longue entre des indices comme le S&P 500 et la masse monétaire est très élevée (supérieure à 96%). Depuis la crise COVID, la banque centrale américaine pratique une politique de soutien à l’économie à hauteur de 120 milliards de dollars par mois. Ainsi, depuis mars 2020, la masse monétaire croît à un rythme moyen de 1,7% par mois. La plus forte hausse de la masse monétaire a été atteinte en avril 2020 avec +6,9%, contre seulement +0,5% à +0,6% de hausse pour juin ou juillet 2021. Ce ralentissement de la création monétaire apparaît comme le principal risque à moyen terme.
Le graphique ci-dessus reprend le taux de variation hebdomadaire de la masse monétaire pour les États-Unis. Ces derniers mois, on assiste à une claire réduction de la création monétaire. Le risque des prochains mois est de passer sous la ligne des 0% de taux de variation de la masse monétaire, c’est-à-dire un arrêt des injections de liquidités. Si l’on modélise en mensuel (logarithme) le taux de variation, on se rend compte que la ligne des 0% pourrait être atteinte dans 3 mois, c’est-à-dire autour de début décembre 2021.
Intensité des politiques monétaires.
Lors du processus de création monétaire, deux processus s’enclenchent sur les marchés :
- La hausse de la masse monétaire impacte immédiatement l’évolution des cours boursiers. Les rachats impliquent une hausse immédiate des cours.
- La hausse de la masse monétaire impacte les cours boursiers dans le futur : c’est le processus d’effet multiplicateur aux liquidités (voir publication).
Ainsi, une réduction des politiques monétaires aujourd’hui conduirait surtout à un risque dans le futur plus que dans le présent. Même si les marchés venaient à ne plus être soutenus monétairement, l’effet multiplicateur aux liquidités se poursuivrait pour 4 ou 5 ans encore. Ce qui conforte évidemment l’hypothèse d’un S&P 500 à plus de 5 000 points.
Un soutien de 1440 milliards de dollars par mois de la part de la FED, c’est-à-dire 120Mds$ par mois, résulte dans une demande finale sur actions environ également à 4% de la capitalisation actuelle du S&P 500, sans comptabiliser les créations monétaires extérieures.
Quel impact en cas de tapering ?
Ralentissement des performances haussières des indices.
On ne traite pas ici du processus de hausse des taux, qui implique une survalorisation implicite des indices. Pour l’instant, dans le cas d’un ralentissement ou un arrêt des soutiens monétaires, les marchés actions pourraient perdre 55% à 80% de leurs performances haussières à court terme. En effet, le taux de variation de la masse monétaire explique majoritairement le taux de variation des indices à ce jour. À long terme, un tapering suivi d’une hausse des taux conduirait à la poursuite d’une tendance haussière à long terme. Néanmoins, cela accélèrerait le risque de forte correction, étant donné que les marchés plafonneront du fait de l’absence de liquidités (comme entre 2018 et 2020).
Or et matières premières.
Un tapering pourrait avoir un effet positif sur les taux. L’effet sur l’inflation est plus incertain car celle-ci est fortement déterminée par les déficits publics [voir article]. Dans ce cas, l’or serait plus impacté négativement par un tapering suivi en particulier d’une hausse des taux. Néanmoins, la période 2016-2018 a montré une hausse de l’or malgré la hausse des taux directeurs. Le maintien d’une inflation soutenue (2% et au-dessus) permettrait à l’or de rester globalement stable.
Au niveau des matières premières comme le pétrole, un ralentissement des soutiens monétaires traduirait une situation de plus en plus proche du plein emploi. En effet, le chômage aux États-Unis comme en Europe revient très rapidement sur les niveaux d’avant crise. En parallèle, la reprise ralentit plus fortement en Chine (-2,2% sur les PMI manufacturiers entre juillet et août). On assisterait ainsi à une continuité de la hausse du pétrole mais dans des intensités moins élevées.
Cryptomonnaies.
Certains marchés comme les cryptomonnaies sont d’autant plus sensibles aux changements des politiques monétaires. Le graphique ci-dessous montre le taux de variation de la masse monétaire (en bleu) et le prix du Bitcoin (orange). Tous les bull run sur Bitcoin se produisent quand le taux d’accroissement de la masse monétaire est plus durablement au-dessus de 0%. À l’inverse, les fortes corrections sont très souvent synchronisées avec une diminution à court terme de la masse monétaire.
Statistiquement, dans plus de 2/3 des cas, la hausse de la masse monétaire implique la hausse du Bitcoin tandis que la baisse de la masse monétaire (taux inférieur à 0%) implique une correction des cryptomonnaies.Cette estimation ne tient pas compte des dynamiques temporelles, qui montreraient certainement une forte détermination du cours des cryptomonnaies par la variation de la masse monétaire.