Bilan Hebdomadaire
Semaine passionnante pour les macro-économistes, semaine drivée par les chiffres de l’inflation américaine publiés jeudi dernier à 14h30 heure de Paris.
On pourrait parfaitement faire de la prose sur les chiffres du marché couvert de Dives-sur-Mer (charmante commune normande) pour broder et attendre des semaines plus excitantes sur le théâtre des statistiques économiques. Mais faire un topo plus approfondi sur l’inflation a été mon choix de la semaine.
Ainsi le seul chiffre intéressant de ces derniers jours fut le CPI ou l’IPC (selon votre langue) de nos amis américains. Or, il convient de définir quelque peu ce que cela représente sans fantasme ni émotion… juste de l’éducatif.
Commençons par une définition pour les débutants: L’IPC (Indice des prix à la consommation) mesure l’évolution des prix des biens et services consommés par les ménages. Il est utilisé pour mesurer l’inflation dans une économie. Il est calculé en comparant les prix d’un panier de biens et services à des périodes différentes. Les IPC Core, quant à eux, mesurent l’inflation en excluant les produits les plus volatils tels que les produits alimentaires et l’énergie, afin d’obtenir une image plus stable de l’évolution des prix à la consommation. Et oui, ça se complique déjà: il y a plusieurs inflations… Oui, je sais , la seule qui compte est celle que vous subissez à la sortie du supermarché, je vis la même chose que vous.
Mais les 2 indicateurs ont chacun une utilité particulière. L’un permet de nous donner la tendance de fond. L’autre a la qualité d’initier des tendances de moyens terme avec une fiabilité plutôt bonne. Le graphique ci-après exprime bien ces 2 IPC. En bleu+rouge, vous découvrez la tendance de l’IPC core. L’ensemble des 4 composantes de ce graphique représente l’IPC. L’un influençant l’autre dans certaines de ses composantes; notamment le prix de l’énergie en vert impactant une des parties des services (en bleu), la composante « transport » pour ne pas la citer).
Le CPi US fléchit fortement grâce à l’énergie et les biens..
Les chiffres actuels sont en diminution rapide. On voit parfaitement que ce sont les éléments volatils de l’énergie qui baissent très rapidement. L’impact sur l’IPC core devrait suivre dans les mois qui viennent notamment sur la composante transport. On voit ci-dessous dans la répartition de la composante “services” de l’IPC que c’est la branche la plus inflationniste actuellement. Mais, l’IPC core baisse déjà. C’est grâce au produits manufacturiers, en bref, grâce à l’industrie. On serait même proche de la déflation si cela continue comme cela. Et j’ai le sentiment que l’on y va tout droit sur cette partie. La réouverture de la Chine risque d’inonder le monde de produits en souffrance dans les ports chinois. Et, dans cette phase de ralentissement économique (et non pas de crise économique), un phénomène de sur-stock et, par conséquent, de baisse des prix peut parfaitement s’enclencher.
Les composantes “alimentation” et “services” restent très résistantes face à ce mouvement désinflationniste. Un article plus détaillé sur le sujet sera édité dans les heures qui viennent pour être plus précis et essayer de détecter les tendances à venir. Mais, en mode express, vous pouvez retenir que la détente désinflationniste est de saison. A plus long terme, il est justifié d’être beaucoup plus méfiant.
La composante “services” du CPi ne donne pas encore de signe de retournement.
Les marchés ont finalement assez peu réagi à ces nouveaux chiffres qui rassurent les plus pessimistes. La raison est principalement que le consensus attendait ces chiffres. Tout est conforme… Et surtout, l’anticipation avait été de mise depuis quelques jours sur l’ensemble des places financières mondiales. Bref, circulez, il n’y a rien à voir…
Rien à voir? Pas tant que cela. Les taux d’intérêts US se sont détendus sur les OAT 10 ans pour finir à 3,50% avec une baisse de 40 points de base en 2 semaines… Plutôt important comme correction. Ce taux est à la porte d’une correction plus profonde qui, techniquement, ramènerait le chiffre vers 3%… très loin des 4,3% de cet automne. Certains s’inquièteront du spread avec le taux 2 ans qui, lui, reste collé au plafond… Le risque à court terme (2 ans) est plus fort que le risque à plus long terme (10 ans): symbole de la peur d’une récession courte. Le taux 2 ans, en cas de décrochage, sera l’expression d’une récession inexistante pour les mois à venir… C’est mon scénario central. Ce n’est pas une certitude, loin de là. C’est juste un scénario.
Mais d’autres indicateurs ont prouvé depuis quelques jours que le phénomène désinflationniste est rassurant. Le Nasdaq, encore au tapis actuellement et très loin de ses plus hauts historiques, a tout de même préservé ses supports et à même fait une semaine de rebond nourri avec une clôture au plus haut et sans aucunement défaillir… On sent que les valeurs “croissance” de la tech US ont apprécié l’apparition d’éclaircies du côté de l’inflation et des taux 10 ans. Le come-back des tech US?
Le dernier indicateur qui confirme cette détente générale est le VIX, l’indicateur de la peur des marchés. Il vient, après des mois de résistance, de tomber sous les 20 après avoir tangué entre 20 et 35 pendant tout 2022. un signal clair de détente, les positions vendeuses visant à protéger les portefeuilles sautent une à une… Le scénario bullish s’enclenche. Les permabears sont en PLS.
Et là, pour une fois, l’Europe est particulièrement en avance sur les US et surtout notre Nasdaq préféré. Ne nous en plaignons pas. Toutefois, il reste beaucoup de choses à faire sur le vieux continent: les valeurs “croissance” et les small caps ont un retard encore important un peu partout. A vos screeners, il y a des dossiers qui sont vraiment très en retard.
Par ailleurs et pour finir le tour des statistiques économiques de la semaine passée, les chiffres britanniques du PIB et de la production manufacturière ont été mauvais mais sans réelle surprise. l’effondrement du Royaume Uni n’est pas encore acté. Le pire n’est pas toujours certain. C’est même rarissime.
Perspectives pour les jours à venir
Cette semaine, les news macro-économiques seront plus fournies avec quelques thématiques intéressantes à observer. Voici le tableau des chiffres à scruter (heure de Paris):
Vous aurez noté le jour férié aux Etats Unis qui nous laissera entre nous en Europe, ce lundi. C’est dans la nuit de lundi à mardi que la valse des chiffres macro-économiques commencera avec le PIB chinois qui s’annonce en forte décroissance… Je ne crois pas avoir vu de chiffres chinois aussi mauvais depuis… Eh bien, je n’en ai pas la moindre idée tellement c’est vieux. Peut-être un petit trimestre en 2008, mais sincèrement je pense qu’il n’y en a jamais eu comme cela de tout ce siècle. N’attendons pas une réaction du marché sur ces mauvaises nouvelles, c’est pricé. Il faudrait une forte surprise négative pour casser la dynamique actuelle des marchés actions.
La semaine se verra certainement attendre les chiffres de l’inflation en Europe de mercredi. La statistique de vente au détail du côté de l’Oncle Sam sera, elle, à scruter de très près vu que ces chiffres exprimeront la consommation américaine pour la période de Noël. Un baromètre de la confiance du consommateur américain extrêmement important, sur la période la plus importante de l’année. La semaine macro-économique se cloturera avec d’autres statistiques assez sensibles: les permis de construire et les ventes de logements anciens de l’autre côté de l’Atlantique… Toujours se méfier de ce secteur en ces temps de forte hausse des taux d’intérêt.
En bref, un début de semaine plutôt sino-européen passera le relai en fin de semaine aux Etats-Unis…
Bonne semaine macro-économique à tous.