C’est dans une interview accordée à CNBC que le PDG de la plus grande capitalisation bancaire du monde, JP Morgan, a manifesté ses inquiétudes sur l’économie américaine. Pour lui, cette perspective s’accompagne d’une probable deuxième jambe de baisse des indices boursiers américains. A ses yeux, il est notamment probable que le marché rechute d’une vingtaine de pourcents, avec une ampleur qui reste non anticipée. Alors que les chiffres de l’inflation pour septembre ont confirmé une temporisation aux Etats-Unis et une accélération en Europe de la hausse des prix, la trajectoire des économies reste encore très incertaine. Pourtant, plusieurs indicateurs peuvent nous guider…
« Ce sont des choses très, très graves qui, je pense, sont susceptibles de pousser les États-Unis et le monde – je veux dire, l’Europe est déjà en récession – et elles sont susceptibles de mettre les États-Unis dans une sorte de récession dans six à neuf mois » – Jamie Dimon auprès de CNBC
L’économie américaine un peu trop résiliente ?…
Techniquement, on savait déjà que les Etats-Unis étaient en récession. Cependant, l’absence de chômage reste un critère chez les banquiers centraux pour poursuivre autant que possible la lutte contre l’inflation tant que l’activité n’est pas effectivement pénalisée. Malgré tout, des indicateurs économiques concordent…
Dans le graphique ci-dessous, nous avons représenté le taux d’utilisation des facteurs de production pour les entreprises américaines. En bleu, nous représenté le taux d’inflation. Enfin, le taux d’épargne des ménages américains figure en noir. Historiquement, on s’est habitué à voir qu’un minimum du taux d’épargne, c’est-à-dire un maximum de la consommation, précédait généralement de quelques mois une récession.
De manière symétrique, une utilisation proche de 100 % des facteurs de production des entreprises traduit un surplus de demande, qui implique généralement de l’inflation. A l’heure actuelle, les entreprises utiliseraient aux Etats-Unis quelque chose comme 80 % de leur capacité de production. Ce seuil n’est ni considérable, ni négligeable. En conséquence, on ne peut parler de surchauffe de l’économie au sens dur du terme.
Dans ce contexte, la récession à du mal à générer du chômage sous l’effet de deux phénomènes : (1) les entreprises peuvent encore accroître globalement leur production bien que cela augmenterait le niveau d’inflation et (2) les ménages américains préfèrent réduire leur épargne pour éviter de réduire leur niveau de vie. Dans ce contexte, on comprend que toute nouvelle accélération de l’inflation aux Etats-Unis aurait des conséquences absolument dramatiques pour l’économie.
Plus de vent dans les voiles pour fixer la trajectoire…
Une fois que la boussole et les risques associés aux politiques monétaires sont définis, on comprend mieux l’évolution des indices boursiers. Dans le graphique ci-contre, nous avons représenté le S&P 500, en rouge, et le bilan de la banque centrale américaine en noir. La progression linéaire du bilan de la FED correspond également au support oblique majeur qui a supporté le S&P 500 depuis 2015. Il est important de préciser que les niveaux actuels du S&P 500 sont les niveaux de la moyenne mobile à 200 semaines. Cette moyenne mobile à 200 semaines a constitué un moyen de support en 2015, en décembre 2018, ou encore durant le krach du COVID. En juin 2008, son franchissement à la baisse annonçait une baisse de long terme de la bourse…
En ce sens, les deux prochaines semaines seront déterminantes pour les marchés. La clôture mensuelle sous la moyenne mobile à 200 semaines serait un signal pessimiste absolu sur les marchés (clôture sous 3600 points). A l’inverse, certains investisseurs cherchent à jouer un rebond des indices dans une perspective de long terme, puisque ces niveaux d’achats peuvent être jugés comme très intéressants. En effet, on note la présence d’une divergence haussière en hebdomadaire sur le S&P 500, tout comme sur d’autres marchés comme les cryptomonnaies. Dans une optique de court terme donc, ce support oblique majeur renforce les perspectives…
En bref
En clair, les stratégies des investisseurs sont ouvertement divergentes. A l’annonce des perspectives pour le moins pessimistes (ou réalistes) de Jamie Dimon, le cours du titre JP Morgan a progressé de près de +5 % sur la semaine dernière. Cela démontre le fait que les investisseurs valorisent le fait que certaines banques anticipent des risques de crédit. Cependant, l’incertitude est grande pour les prochains mois. L’état de l’économie américaine tient à un fil…
D’un côté, les entreprises qui peuvent produire dans des conditions encore acceptables mais qui sont contraintes par le coût de l’énergie. De l’autre côté, des ménages américains qui n’ont jamais aussi peu épargné (et autant consommé)… C’est un fait qui traduit la volonté absolue pour les américains de maintenir leur niveau de vie en dépit de la hausse des prix… C’est pourquoi on peut légitimement considérer que toute nouvelle hausse de l’inflation provoquerait un risque économique démultiplié, pouvant symétriquement affecter particulièrement le marché du crédit.
De la sorte, les niveaux actuels des indices sont une situation propice à l’apparition de stratégies divergentes chez les investisseurs.