Dans le contexte géopolitique actuel, notamment la guerre russo-ukrainienne mais aussi les tensions concernant l’île de Taïwan, un grand nombre d’investisseurs cherchent à investir dans cette nouvelle thématique industrielle qu’est l’armement, notamment en Europe, théâtre de tensions géopolitiques de plus en plus palpables. Et il se trouve qu’il existe beaucoup d’intervenants sur le marché de l’armement sur le vieux continent. En ce qui concerne la France, il est impossible de contourner cette thématique sans s’intéresser au fleuron de l’armement français qu’est le Rafale. Découvrons dans cet article pourquoi cette vitrine technologique de l’ingénierie française est devenue une thématique d’investissement à part entière.
L’histoire du Rafale, l’emblématique avion de combat français, est un récit rocambolesque tant ce fleuron de la technologie française a été la risée du monde pendant plusieurs décennies pour devenir, depuis moins de 10 ans, un succès à l’exportation. Autrefois sujet de railleries pour ses difficultés à s’imposer commercialement, le Rafale a su métamorphoser sa réputation en quelques années. Depuis 2015, cet avion, autrefois invendable, a conquis le Moyen-Orient et l’Inde pour continuer d’attirer l’attention d’autres nations, notamment en Europe. Plongeons dans le parcours chaotique mais fascinant de cet avion, de sa naissance controversée à sa montée en puissance spectaculaire sur le marché des avions de combat où la politique et la géopolitique ne peuvent pas être oubliées. Un thème d’investissement à lui tout seul.
Un Rafale au décollage
Soyons clairs, les débuts du Rafale ont été un fiasco total. Dès son lancement, il a été critiqué, même parmi les rangs des généraux français. Trois décennies de développement ont été nécessaires pour convaincre le monde que le Rafale était à la hauteur de ses prétentions. Il était né de la dissolution d’un projet de coopération internationale pour créer un avion de combat, à l’époque où la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne cherchaient à concevoir le futur Eurofighter. La rupture de cette collaboration donna naissance au Rafale, qui prit son premier envol en 1986. Eh oui, 1986, un autre temps me direz-vous. Mais l’avion était mal né, politiquement. Il faut bien avouer que faire cavalier seul à côté de l’Eurofighter n’a pas arrangé les choses sur la scène européenne. De plus, la mainmise et le lobbying de l’industrie américaine avaient œuvré pour le tuer dans l’œuf. Cela ne nous rappelle-t-il pas les mésaventures d’un certain “Concorde”? On peut être tenté de le croire.
Ainsi, le Rafale a débuté sa carrière en essuyant plusieurs revers à l’export. Des pays tels que la Corée du Sud, Singapour, le Brésil et le Maroc ont opté pour d’autres avions de combat, le plus souvent la gamme des F-16 , F-18 et F-35 américains de la société Lockheed Martin. Beaucoup en ce temps vous expliquaient l’inadaptation du fleuron français aux combats modernes, pendant qu’il battait tous ces homologues dans les concours internationaux. Son ultra-polyvalence, initialement considérée comme un atout, s’était révélée être un handicap sur des marchés internationaux totalement acquis à la cause américaine. Cette caractéristique soit-disant complexe et coûteuse l’avait rendue vulnérable face à des besoins spécifiques et avait contribué à de multiples échecs. Vous aurez noté dans ce florilège de pays qu’aucun membre de l’Union européenne n’a été cité, le Typhoon d’Eurofighter étant privilégié malgré des surcoûts exorbitants tout en voyant Lockheed Martin engrangé encore aujourd’hui des succès retentissants. On peut tout de même se poser la question de la volonté de nos prétendus partenaires frontaliers de vouloir développer une armée continentale cohérente. Bref, le Rafale, un avion cher mais multitâche… Sincèrement, les arguments étaient plutôt légers.
Tellement léger qu’on en oublie toutes ses qualités de polyvalence. Le vent a ainsi tourné en faveur du Rafale grâce à des facteurs clés. Ses performances opérationnelles exceptionnelles dans des théâtres d’opérations variés, combinées aux améliorations apportées par Dassault Aviation, l’ont propulsé sur la scène internationale. C’est notamment son rôle majeur dans le renversement de Kadhafi en Libye en 2011, en lançant des raids depuis les terres françaises et la base aérienne de Solenzara en Corse, qu’il a prouvé sa capacité opérationnelle sur longue distance. Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes depuis cette période et des besoins de modernisation des flottes militaires, le Rafale a regagné sa place dans la compétition. Et puis, il faut bien avouer aussi qu’il est une des seules réponses industrielles crédibles face à l’hégémonie américaine. Alors, vous devinez bien que l’anti-américanisme fait des émules pour l’avion de combat totalement français. Finalement, il n’est pas si mal de ne pas avoir de coopération dans certains cas.
Une version “marine” du supersonique est disponible.
Depuis 2015, le Rafale a conquis l’Égypte, le Qatar, l’Inde et d’autres pays, enregistrant un véritable succès sur le marché. Les récentes commandes de la Grèce, de la Croatie et des Émirats arabes unis attestent de sa popularité croissante. Malgré des échecs en Europe encore trop nombreux face au F-35, considéré comme inférieur à l’avion français, le Rafale est devenu un acteur majeur sur la scène internationale. De nouvelles opportunités se profilent, avec des discussions en cours avec l’Inde, la Colombie, l’Indonésie et la Serbie. Bref, on sent bien que ce sont des pays qui ne portent pas les Américains dans leur cœur pour des raisons très diverses.
Mais quel est l’avenir en la matière ? En effet, la France ne se repose pas sur ses lauriers. Outre la poursuite de la modernisation du Rafale, la transition vers l’après-Rafale est déjà en marche. En partenariat avec l’Allemagne et l’Espagne, qui ont peut-être enfin compris qu’il fallait coopérer en matière d’armement de pointe, la France travaille sur le système de combat aérien du futur (SCAF), un projet ambitieux visant à repousser les limites de la technologie aéronautique. Cette nouvelle génération d’avions de combat furtifs, prévue pour la décennie 2040, prolongera l’héritage du Rafale en garantissant la souveraineté et la compétitivité de l’industrie aéronautique française. On verra si la coopération perdure jusqu’au terme de ce programme. Les antagonismes sont quand même très importants.
Car, sur ce sujet qui paraît si anodin, il s’agit vraiment de toute une industrie. En effet, le Rafale exprime toute la compétence de l’ingénierie française en matière industrielle et technologique de pointe. À vrai dire, cet avion n’est pas le résultat de la performance d’une seule entreprise, en l’occurrence Dassault Aviation. Il faut considérer Dassault Aviation comme un assembleur, concepteur et commercialisateur. Tout comme l’est Renault dans l’automobile ou Airbus dans l’aviation civile. À vrai dire, quand on creuse plus profondément dans la quantité d’intervenants qui existent autour de cet avion, on découvre que plusieurs société du CAC 40 sont concernées par le projet.
Loin de nous l’idée de faire l’inventaire exhaustif sur le sujet. Mais retenez simplement que la structuration des logiciels est grandement attribuée à Dassault Systèmes. Et vous devinez bien qu’il y en a énormément dans des avions aussi perfectionnés. La partie électronique est en très grande partie traitée par Thales, l’ancienne Thomson CSF à hauteur de 22 % du cahier des charges. Le tableau est complété par le motoriste le plus pointu de l’industrie française. Bien sûr il s’agit de Safran pour 18%. Vous devinez bien qu’il existe un nombre incalculable de sous-traitants à l’ensemble des groupes cités. Ils sont bien entendu français mais aussi étrangers, et font partie de cette thématique.
Ainsi, dans le contexte géopolitique d’une montée de l’anti-américanisme dans des contrées de plus en plus nombreuses de ce monde, avec des tensions internationales de plus en plus importantes sur de multiples théâtres d’opérations, les investisseurs peuvent trouver à travers le Rafale une thématique d’investissement particulièrement judicieuse qui explorerait la thématique du déblocage de budgets pour l’armement ou le réarmement de certains pays, tout en profitant de la montée d’une certaine défiance vis-à-vis de l’impérialisme américain. À quelques jours de la fameuse réunion des BRICS en Afrique du Sud, voilà une thématique surprenante mais finalement logique pour vos portefeuilles d’investissement.