Le grand péril de cette année 2022 fut, indiscutablement, l’ébranlement de l’équilibre monétaire mondial. Il y a bien sûr des raisons fondamentales, sur fond de guerre et de décisions politiques, mais aussi des raisons techniques… On sait de loin que la monnaie la plus performance de l’année fut le rouble qui croule sous les liquidités… Mais le plus inquiétant concerne la trajectoire des monnaies comme l’euro, ou en partie, la livre sterling. Dans tous les cas, le dollar s’est fortement apprécié, comme souvent dans l’Histoire, grâce à la guerre et surtout… l’inflation ! On se propose ici de réaliser une étude à long terme et à moyen terme de la trajectoire de l’indice dollar.
Trajectoire à long terme du dollar
Pour cette approche, on se basera essentiellement sur une analyse des cycles de Hurst qui s’applique assez bien à la trajectoire à long terme du dollar… Il est intéressant de remarquer les échos de certaines périodes historiques. Historiquement, il est toujours bon de rappeler que le dollar s’était fortement apprécié à partir de 1979. Le pic d’inflation à +13,5 % en 1981 s’est accompagné d’une correction temporaire du dollar, avant de poursuivre une deuxième jambe de hausse jusqu’en 1985 (accords du Plaza pour dévaluer le dollar et dynamiser l’économie américaine). Le fait est que les périodes de stagflation ont toujours profité au dollar… Et nous pourrions retourner à la stagflation de 1920 pour vérifier cela (cf Brian Berry) !
Pour étudier la trajectoire à long terme du dollar, l’étude des cycles de Hurst est très pertinente :
- Entre le plus haut de 1985 et le plus haut de 2001 de l’indice dollar, il y avait 16,2 ans. Puis, entre le plus haut de 2001 et le plus haut de 2017, il y avait une période de 15,4 ans (quid de 2033 ?… libre d’interprétation à partir du cycle d’émergence et de chute des empires).
- On a tracé en noir le cycle majeur de 8 ans qui corrèle bien avec l’évolution historique du dollar (le prochain sommet suggéré de ce cycle est ciblé sur le second semestre 2024). Le cycle de 16 ans apparaît plus flouté en arrière-plan.
- La résistance oblique en noir correspond à une résistance confirmée par les sommets du cycle de 16 ans. La rupture de la résistance en 2015 signalait le passage en tendance haussière du cycle suivant (32 ans, avec un dernier plus bas enregistré en 2008).
- La ligne future de démarcation à 8 ans indique que l’indice dollar approche d’une zone de résistance autour de 120. Si ces niveaux sont durablement rompus, on pourrait aller chercher la zone des 145 puis 160 à long terme.
- Le coefficient de Hurst est proche de 0,7 ce qui est historiquement élevé. Cela signale la présence d’une tendance haussière très forte qui viendrait à s’épuiser plus facilement dans l’avenir (si le coefficient de Hurst redescend sous 0,68).
Trajectoire à moyen terme
A moyen terme, l’indice dollar dessine un sorte de latéralisation. Depuis mai 2022, l’indice dollar a également formé une divergence baissière toujours en formation.
Ainsi, on distingue plusieurs éléments techniques :
- Entre le sommet de janvier 2020 et le plus bas de mai 2021, en plus d’une divergence haussière, l’indice dollar a formé un rounding bottom, l’objectif suggéré était à 114 à la cassure en avril 2022. Le seuil de prix actuel agit donc comme un seuil de résistance, qui sera ou non validé dans les prochaines semaines.
- On a aussi représenté sur le graphique la ligne de démarcation à 2,6 ans qui suggérait en mars un objectif haussier 108, qui a été dépassé.
- Le niveau actuel du coefficient de Hurst n’est pas alarmiste, même ce dernier semble plutôt aller dans le sens d’un retournement baissier de moyen terme qui reste à ce jour potentiel.
En bref
En clair, nous avons vu que le dollar reste une des monnaies les plus performantes de l’année (l’indice dollar est en hausse plus de 16 % depuis le 1er janvier 2022). Cette tendance s’inscrit d’abord dans un cadre historique puissant et les similitudes avec le passé ne sont que plus criantes. Le dollar profite généralement des périodes de stagflation et d’inflation à long terme. L’explication est relativement simple dans la mesure où (1) les matières premières et les échanges et les réserves sont principalement libellés en dollars ce qui est profitable durant les période d’inflation de pénurie, (2) les Etats-Unis profitent toujours du titre de première économie mondiale et ont, par la structure de leur tissu économique, une capacité d’adaptation des marchés économiques bien supérieure à l’Europe (chômage, libre circulation des facteurs, etc…).
Techniquement, la trajectoire reste haussière à long terme. Ces considérations ne sont pas sans intérêt lorsqu’on connaît les risques qui peuvent peser sur certaines zones monétaires dans les prochaines années. En particulier, l’analyse à long terme concorde à dire que la trajectoire actuelle du dollar est structurellement assez proche de celle de la fin des années 1970/ début des années 1980. A moyen terme, des risques baissiers plus importants se font sentir bien que ces derniers demeurent limités par le contexte d’incertitude des prochains mois.