Alors que les chiffres de l’inflation ne semblent pas se tasser, les taux obligataires diminuent depusi quelques semaines. Cela montre que les investisseurs sont plus attentif au risque de récession qu’au risque de l’inflation. Doit-on craindre une récession prochaine aux Etats-Unis ou en zone euro d’ici les deux prochaines années ? Les politiques monétaires restrictives auront-elles un impact sur l’activité ? D’après l’enquête de Bloomberg auprès des économistes, la probabilité d’une récession serait de 30% d’ici 12 mois, risque au plus haut depuis la pandémie. La situation actuelle revoie aux politiques de « Stop & Go » des années 1980, où la politique de lutte contre l’inflation se faisait au prix d’une récession, et dont la relance de l’activité provoquait de l’inflation.
L’activité en berne… Synonyme de récession ?
Tout d’abord, nous devons souligner que la plupart des économies occidentales ont lourdement ralenti depuis quelques mois. Sur le premier trimestre 2022, le PIB français stagne principalement du fait du recul de la consommation alors que la croissance était encore de +3% sur le 3e trimestre 2021. Particularité française, la balance commerciale n’a jamais été autant déficitaire à 31 milliards d’euros sur le seul premier trimestre 2022. En zone euro, le PIB ne progresse que de 0,3% sur le premier trimestre. Aux Etats-Unis, le PIB a progressé de +1,6% sur le premier trimestre 2022, ce qui montre un risque récessif plus limité.
Un autre élément qui ajoute à la probabilité d’une récession est le niveau d’emploi, qui se mesure à la fois par le chômage et les postes à pourvoir. Bien que cela puisse paraître contre-intuitif, un chômage au plus bas est synonyme d’une plus forte probabilité de recul de l’activité, surtout dans un contexte inflationniste. Le chômage enregistré aux Etats-Unis s’élève à 3,6% en avril 2022, c’est-à-dire exactement le niveau où il était en décembre 2019 avant la pandémie. En France, le taux de chômage est deux fois supérieur à 7,3%, qui est aussi le plus bas niveau de chômage enregistré en France depuis 2008.
Concernant l’inflation, celle-ci stagne légèrement aux Etats-Unis mais reste sans précédent en avril à +8,3% sur un an. En zone euro, l’inflation enregistrée est de 7,5% en avril, dont 4,8% pour la France et jusqu’à 20% pour les pays baltes. Néanmoins, comme nous l’avons montré dans nos précédentes publications, l’inflation en zone euro expliquée par la Guerre n’excède pas 20% de toute l’inflation actuelle.
A quand serait une récession ?
Une récession arriverait donc certainement plus rapidement en Europe qu’aux Etats-Unis, ce qui explique aussi que la banque centrale européenne soit largement plus réticente à remonter ses taux contrairement à la FED. Néanmoins, ce risque économique serait celui d’une récession à l’ampleur relativement limitée. Les grandes récession ont souvent suivi des périodes de grande spéculation, un niveau de taux déjà élevé, souvent coordonné avec un minimum du chômage et l’absence d’écart entre les taux courts et les taux longs.
Le risque récessif serait un risque sérieux jusqu’au second semestre 2023. Dans la configuration actuelle, il faudrait la variation du PIB trimestriel soit négatif sur le deuxième et troisième trimestre pour faire entrer l’économie européenne en récession. Cela nous mène à l’automne 2022 au plus tôt. Par ailleurs, l’étude de la cyclicité de l’économie (voir nos précédentes publications) montre effectivement que le risque de ralentissement de l’activité est essentiellement pertinent sur les 12 prochains mois, essentiellement par contre-effet des variations extrêmes du PIB de 2020 à 2022.
Enfin, comme nous l’avons vu, l’ampleur des risques récessifs est probablement moins importante que la précédente récession. Un indicateur souvent utilisé pour mesurer le risque récessif est l’écart des taux long avec les taux courts. Lorsque cet écart est négatif, c’est-à-dire que la rémunération du capital à long terme est plus faible que la rémunération du capital à court terme, une récession a plus de 90% de chances de prendre historiquement effet. Néanmoins, cet écart sur les taux américain était au minimum à 0,04 en avril 2022, donc positif. Cela renvoie à la situation de 1994 où l’écart était de 0,15, sans récession pendant les 7 ans qui suivirent pour autant. Cela démontre néanmoins la persistance d’un risque non-négligeable sur l’économie.
En bref.
La FED a annoncé ce mercredi 25 mai relever ses taux plus rapidement qu’attendu par le marché. Les membres du comité ont notamment annoncé leur volonté de stopper l’inflation et que des hausses de un demi-point étaient « probablement nécessaires ». Pour autant, ces hausses de taux semblent satisfaire les marchés boursiers américains qui progressent de près de 3,5% sur la semaine. Par ailleurs, une récession aurait un impact certainement plus mesuré sur les indices boursiers car ceux-ci ont déjà intégré de nombreux risques et sont surtout restreints par les politiques monétaires restrictives. Ce risque récessif est avant tout un risque de « contre-coup cyclique » similaire à la récession de 1937-1938 aux Etats-Unis, cependant couplé à un risque de perte de contrôle de l’inflation.