L’Argentine est une économie de marché peu diversifiée, qui est fortement orientée vers l’exportation de produits alimentaires. Le pays est un important producteur et exportateur de produits agricoles tels que le soja, le maïs, le blé, le vin et la viande. Mais on y trouve aussi d’autres activités non-négligeables dans les secteurs de l’industrie, du commerce et des services.
Malgré cette diversité économique toute relative, l’Argentine a connu de nombreuses difficultés économiques au cours des dernières décennies, notamment des taux d’inflation élevés, d’énormes problèmes de dette et des perturbations importantes du marché du travail. En 2020, la faible économie argentine a été d’autant plus affectée par la pandémie de COVID-19, entraînant une contraction de l’activité économique et une augmentation du chômage. Depuis, le pays semble ne pas se remettre de cet épisode catastrophique. L’inflation fait rage, l’endettement du pays est insupportable… Alors oui, l’Argentine n’est pas championne du monde de l’économie. On peut même dire que c’est l’une des dernières de la classe. Elle ne passerait même pas le premier tour des pré-qualifications. Mais, vous verrez, plus bas, que le mal est bien plus ancien.
Commençons par l’inflation. Selon les statistiques officielles, l’inflation a atteint 88 % en rythme annuel en octobre 2022. Ce chiffre calmera plus d’un ronchon de français avec ses ridicules 6%, n’est-ce pas? Le phénomène, du côté de Buenos Aires, est tel que la population se jette sur les biens de consommation dès l’encaissement du moindre peso. On appelle cela “la fuite vers la consommation”. A quoi bon épargner, l’argent ne vaudra plus rien demain. L’argentin est condamné à profiter de l’instant présent sans se soucier du futur. Un phénomène paradoxal et qui ne fait qu’aggraver les chiffres… Bref, la spirale infernale. Le peuple est fâché et lassé, même désabusé.
Les conséquences sont multiples mais la première de toute est la dévaluation permanente du peso argentin face aux monnaies fortes que sont l’Euro et le dollar US. Imaginez que, depuis 2015, le peso argentin a quasiment divisé par 60 face au dollar américain. Vous pourriez penser que le pays ne subit que le surcoût des produits importés en monnaie forte. Par conséquent, l’Argentine pourrait se targuer d’une balance commerciale formidable avec les importantes exportations sus-citées. Certes. Mais il en est tout autrement.
Le peso argentin contre le dollar américain (ARS/USD) depuis 2005
Il est important, dans cet article, de rappeler que l’Etat argentin a été sous l’emprise d’une dictature jusqu’au début des années 80, il y a à peine 40 ans de cela. De 1966 à 1973, la dictature de la “Révolution Argentine”. Puis de 1976 à 1983, une succession de 4 juntes militaires. Je vous épargne les précédentes. Les plus anciens d’entre nous se rappellent des 30 000 disparus,15 000 fusillés, 9 000 prisonniers politiques, et 1,5 million d’exilés pour une population de 32 millions d’habitants. On se souvient aussi de cette guerre déclenchée contre la couronne d’Angleterre aux Malouines… Un fiasco militaire et politique. Finalement, depuis 50 ans, le pays est accablé de malchance. Même la victoire lors de la coupe du monde de football de 1978 fut rapidement considérée comme une parodie de football tant les dés étaient pipés. Pression de la junte militaire sur les arbitres et dirigeants… Victoire certes, mais victoire sans gloire.
Dans notre matière économique, pas de victoire, bien au contraire. Le pays ne s’est jamais remis de ces événements coûteux et isolants politiquement. De plus, et la carte du monde vous l’aura fait remarquer, tout échange commercial avec le monde occidental a toujours été compliqué par cette position excentrée au sud du sud de l’Amérique. Les surcoûts imposés par la distance de livraison des produits exportés et la lenteur d’approvisionnement des clients septentrionaux n’ont permis aux argentins de ne vendre que par un seul argument: les prix bas. Pour les importations, c’est le même problème, mais dans l’autre sens. Peu de gens à vendre aussi loin, beaucoup de surcoûts. La balance commerciale pour sauver l’Argentine? On oublie. Difficile de se refaire la cerise de ce côté-là, n’est-ce pas?
A côté de cela, le pays endetté par les dépenses citées plus haut n’a jamais pu se défaire de ce fardeau. Cette dette est, pour nous, européens, totalement dérisoire. 45 milliards de dollars!!! Cela doit représenter quelques semaines d’endettement supplémentaire sur l’ensemble de l’Europe. Mais voilà, ce n’est pas une dette libellée en pesos argentins mais bien en dollar américain. Et c’est là que vous commencez à percevoir la boucle infernale.
Depuis un demi-siècle, l’Argentine court après cette inflation destructrice de tout espoir de remboursement de la dette. Le pays vend quantitativement à bas prix ses produits alimentaires qui agacent tant nos éleveurs français pour rentrer de la devise au plus vite… Là aussi, pas de lendemain, pas de pause. Mais il faut bien avouer que mondialisation faisant, transports s’améliorant, les dernières années ont permis une rentrée beaucoup plus importante de devises. Et pourtant…
Et pourtant, rien n’y fait. Pas un sou dans les coffres des banques argentines. Mais où peut bien être tout cet argent durement gagné? Les argentins traumatisés par tant de déboires sociaux, de régimes dictatoriaux, de gouvernements impuissants, et de pauvreté récurrente ont pris un chemin surprenant pour nous autres riches occidentaux: la thésaurisation… Eh oui, des milliards de dollars traînent sous les matelas et dans les vieilles armoires au fin fond de la Pampa argentine. Des milliards mais combien? 45? Cela payerait la dette et permettrait la fin de ce délire économique. Le bonheur, n’est-ce pas? Alors, accrochez vous, la vérité est d’une tout autre proportion. Les dernières estimations tournent autour des 150 milliards de dollars. Trois fois plus. Impossible d’aller les chercher. Impossible de les faire sortir: les argentins n’ont pas confiance et ce n’est pas demain la veille que cela changera…
L’Argentine gagne la Coupe du Monde 2022 face à la France 3-3 (4-2) le 18/12/22.
Pas demain? Ok, mais hier? Hier… Enfin, il y a quelques jours. L’équipe nationale de football surnommée l’Albiceleste a remporté brillamment… la Coupe du Monde. Au dépens du tenant du titre: la France. Vous me direz que cela n’a rien à voir. Eh bien si, justement, l’euphorie, le lâcher-prise, la confiance… LA CONFIANCE, voilà ce qu’il manque à ce pays. Une étude a prouvé que les vainqueurs de la Coupe du Monde de football ont tous connu un élan économique non négligeable dans les 2 années qui ont suivi le sacre de leur équipe nationale. L’Argentine n’y échappera pas. Les gouvernants argentins le savent. Et si le sport sortait ce peuple tant martyrisé par l’histoire de cette torpeur? Et si les liasses de dollars, bien cachées sous les commodes, se décidaient enfin à sortir de cette pénombre? On ne peut que le souhaiter aux argentins. Le destin sportif leur a tendu la main… Alors messieurs-dames les argentins, saisissez votre chance car les français ne vous la laisseront pas une nouvelle fois dans 4 années.