Nous voilà en plein milieu du mois d’août, et nous entrons dans la période la plus calme de l’année. Les pratiquants des sports de voile appelleraient cette période: la pétole ou encore la mer d’huile… Il semble que ce soit le bon moment de parler d’un sujet récurrent et particulièrement intéressant: la saisonnalité des marchés financiers.
L’univers complexe des marchés financiers est marqué par des cycles et des schémas saisonniers, une dynamique qui a attiré l’attention des investisseurs et des traders depuis de nombreuses années. Ces tendances récurrentes offrent des opportunités de trading pour ceux qui comprennent comment exploiter les fluctuations saisonnières pour maximiser leurs performances.
Appréhender le schéma saisonnier commence par une compréhension de son origine. Les marchés des actions (puisque c’est dans ces marchés risqués que se révèle le plus la notion de saisonnalité) présentent une saisonnalité distincte, divisée en deux périodes : l’été boursier (du 1er novembre au 30 avril) et l’hiver (du 1er mai au 31 octobre). Eh oui, c’est inversé. Considérez que vous vivez sur la planète bourse comme si vous étiez au sud de l’équateur, je vous propose la plage de Copacabana au Brésil (choix absolument pas hasardeux, comme vous l’avez deviné). Cette division saisonnière repose sur des performances historiques, avec des rendements moyens de 7,5% pendant la période estivale (de Copacabana), comparés à 3,6% pendant l’hiver… brésilien (chiffres relevés sur l’indice S&P 500 aux Etats Unis). Ce modèle a conduit à l’expression familière « sell in May and go away », reflétant le conseil de tirer profit des tendances saisonnières. Et il faut bien avouer que l’adage est souvent respecté sur bien des places financières européennes.
Cependant, la saisonnalité des marchés financiers s’entend bien au-delà des seules actions. Vous devinez que le premier marché auquel nous pouvons penser est celui des matières premières et notamment des matières premières agricoles. Il apparaît aussi des mouvements saisonniers sur les prix du pétrole et plus généralement sur l’ensemble des matières qui servent à produire de l’énergie. N’oubliez pas que l’offre et la demande sont quand même les principaux moteurs de la hausse ou de la baisse des prix sur ces matières. Mais quand vous faites une moyenne historique, il faut bien avouer que des tendances apparaissent clairement sur vos graphiques.
Mais la notion de saisonnalité ne s’arrête pas à la température extérieure que nous pouvons vivre dans nos contrées. La saisonnalité des marchés boursiers se révèle à travers des tendances récurrentes dans la performance des actions et des indices pendant certaines périodes de l’année. Les exemples incluent l’effet janvier, où les actions ont tendance à surperformer en janvier en raison de l’augmentation des investissements induits par les primes de fin d’année. Si vous voyez un mois de janvier finir en négatif, posez-vous les bonnes questions sur l’année sur l’année boursière que vous allez vivre. Vous aurez noté que sur l’ensemble des indices mondiaux le mois de janvier 2022 a été un sommet du marché avant un retournement cinglant. Il ne vous aura pas échappé que c’est le mois de janvier 2023 qui a sonné le glas de ce marché baissier. Tu vends en janvier 2022, tu rachètes en janvier 2023. L’économie a été de l’ordre de 40 % sur le Nasdaq notamment. De même, l’adage « Sell in may and go away » souligne une tendance historique où les actions ont tendance à sous-performer pendant les mois d’été (L’hiver à Copacabana), suggérant de prendre des bénéfices et de revenir plus tard dans l’année. Les mois d’octobre et de novembre semblent être les meilleurs pour cela.
Cependant, il est essentiel de noter que bien que ces tendances aient été observées dans le passé, elles ne garantissent pas des performances similaires à l’avenir. Les investisseurs et les traders doivent utiliser ces informations en conjonction avec d’autres analyses, telles que l’analyse technique et fondamentale, pour prendre des décisions éclairées. Évidemment qu’en vous disant cela, vous comprenez bien qu’il faut traiter chaque dossier de manière individuelle et que toutes les statistiques émises sont une synthèse globale du marché. Toutefois si vous êtes adepte de la statistique, partez en vacances au mois de mai et revenez en octobre.
Il faut bien comprendre que ce n’est qu’une statistique sur une globalité d’année et qu’il existe des cas différenciants qui complexifient l’analyse basique de la saisonnalité des marchés. Il apparaît que souvent les krachs boursiers se présentent aux investisseurs plutôt autour du mois de septembre octobre. Il alimente donc une périodicité statistique où la purge des marchés provoque très souvent un rebond sur les périodes de novembre et décembre. Il apparaît aussi un phénomène de contre-tendance quasi systématique lors de la période juillet-août. Ainsi en 2022, après la première chute des marchés de mai-juin, un rebond technique a eu lieu au cours de l’été (celui de la plage de Deauville) Avant une reprise fortement baissière de mi-août à mi-octobre.
Un autre phénomène récurrent est celui du rallye de Noël. Il est particulièrement puissant et régulier. On l’appelle aussi le “Window dressing”. Ce phénomène est lié à des arbitrages que font les gestionnaires de fonds afin de cacher la misère de leur contre-performance et de mettre en avant de belles réussites. C’est comme cela que vous voyez des actions prolonger leur hausse du courant de l’année. Cela marche aussi dans l’autre sens pour les actions qui ont baissé dans les mois précédents. En 2021, le rallye de Noël avait été particulièrement puissant alors que les indicateurs macroéconomiques indiquaient clairement un retournement de marché imminent.
Mais, il existe aussi des saisonnalités que l’on peut attribuer à certaines actions dans certaines thématiques à certains moments de l’année. Je vous donne deux exemples tout à fait curieux mais qui s’avèrent être particulièrement efficaces. La société Emova, une petite Small Cap de la place parisienne, est le leader français de la distribution de fleurs. Si vous regardez sur une dizaine d’années, en achetant l’action autour de la période de Noël, vous constaterez une surperformance évidente du titre jusqu’à la date de la Saint-Valentin. C’est impressionnant, et tout s’explique par l’idée que l’on offre des fleurs à sa femme le jour de la Saint-Valentin… Et peut-être un peu moins le reste de l’année. Un deuxième exemple tout à fait intéressant concerne la société Compagnie des Alpes, une mid cap côté aussi sur Euronext… Il vous suffit de regarder la météo à l’approche des vacances scolaires hivernales (celles de notre hémisphère nord). La neige ou son absence fait bouger le titre de manière très importante. Ah oui, j’avais oublié, cette société exploite des stations de ski… Vous devinez l’impact météorologique sur ses comptes.
Comme vous l’avez compris, cette saisonnalité des marchés financiers est influencée par une multitude de facteurs. Parmi eux, les cycles économiques jouent un rôle crucial, avec des modèles saisonniers dictés par les habitudes de consommation, les cycles de production agricole et les tendances touristiques. Les politiques fiscales et les réglementations gouvernementales peuvent également façonner la saisonnalité, tandis que la publication des résultats des entreprises entraîne des fluctuations de prix en réponse aux nouvelles informations. Il existe même une saisonnalité multi annuelle selon le calendrier politique du pays concerné. Ne négligez jamais le calendrier des élections américaines. Pour information, la prochaine fois, c’est pour novembre 2024. Le comportement et le sentiment des investisseurs, qui anticipent et réagissent aux événements clés, jouent également un rôle majeur dans la saisonnalité des marchés.
En conclusion, la saisonnalité des marchés financiers offre une fenêtre d’opportunité pour les investisseurs et les traders. Le trading saisonnier, en tirant parti des schémas saisonniers, peut certainement apporter une valeur ajoutée aux stratégies d’investissement et de trading. Cependant, il doit être abordé avec prudence et discernement. Bien que les tendances saisonnières puissent fournir des indications utiles, elles ne garantissent pas automatiquement des gains. Les traders doivent utiliser ces informations en combinaison avec d’autres analyses, gérer les risques de manière adéquate et considérer le contexte plus large du marché pour maximiser les chances de succès dans cette quête continue de profits saisonniers. Mais lorsque vous maîtrisez bien la récurrence de certains de ces mouvements, il vous apparaît assez évidemment des périodes où il est hors de question d’aller à contre tendance de la saison. Et ça, ça peut vous rapporter beaucoup d’argent.