La place de l’écologie dans l’économie. Voici un sujet d’actualité qu’on ne peut éviter en ces temps de pré-campagne présidentielle. On va nous parler de développement durable, de soutenabilité de la croissance, etc. Aussi, pour bien comprendre tous les discours que nous allons entendre et que nous entendons d’ailleurs déjà, un point sur ces notions s’avère nécessaire.
On appelle développement durable un développement qui répond aux besoins de l’instant présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. On en revient finalement au centre de la problématique de base de l’économie à savoir la prise en compte d’un besoin illimité qu’il faut savoir satisfaire avec des ressources limitées. Quand on parle de besoins, il faut satisfaire ceux de l’ensemble de la planète dont 40% de la population vit avec moins de 2 dollars par jours. Un développement durable consiste donc à concilier développement économique et préservation de l’environnement pour que les générations futures puissent profiter de cet environnement.
Les plus ardus défenseurs de l’environnement vont jusqu’à dénigrer la croissance économique, qu’ils estiment être à l’origine de cette destruction. Il faut avouer que le PIB, qui va permettre, rappelons-le, de mesurer la croissance, ne prend pas en compte tout ce qui va être détruit par le processus de production : épuisement des ressources naturelles, dégradation de la qualité de l’air, pollution de l’eau, déforestation… À partir d’un certain niveau de richesse produite, toute production supplémentaire n’entraîne pas forcément un bien-être équivalent.
On a créé le concept d’empreinte écologique pour définir la pression que l’homme exerce sur la nature. La trace qu’il va laisser sur la nature en réalisant sa production de biens et services. Cette empreinte écologique n’est pas prise en compte dans le PIB.
La difficile mesurabilité de cette empreinte, et d’une façon générale, des coûts liés à la destruction de l’environnement, donnent des arguments à ceux qu’on appelle aujourd’hui les « climatosceptiques », dont l’ancien président américain Donald Trump a lui-même avoué qu’il en faisait partie.
Les « climatosceptiques » appuient entre autres leur raisonnement sur la théorie dite de la soutenabilité faible. Un bien grand mot, comme aiment en produire les économistes ! En quelques mots, l’idée est que le progrès technique permettra toujours à l’Homme de pouvoir réparer les dégâts que son activité de production occasionne sur la nature. Autrement dit, l’Homme est tellement intelligent qu’il pourra toujours réparer ce qu’il détruit. Le progrès technique permet par exemple qu’un fleuve pollué puisse être dépollué. Dans ce cas, on peut dire, conceptuellement, qu’une destruction du capital naturel peut être compensée par une amélioration du facteur capital grâce au progrès technique. Dans le cadre de cette théorie la courbe de Kuznetsétablit un lien entre la destruction de l’environnement par les émissions polluantes et le PIB par habitant : lorsque le PIB augmente cela est préjudiciable à l’environnement, car cela signifie que l’on produit plus et que l’on pollue plus, mais dans un deuxième temps, les économies se développent, le progrès technique s’accélère et l’homme trouve alors les moyens de compenser la pollution et de dépolluer, ce qui fait que la dégradation de l’environnement se réduit.
Selon cette théorie, on considère que les pays développés ont basculé dans la deuxième partie de la courbe tandis que les pays en développement sont toujours dans la première partie qui est celle d’une industrie polluante et donc destructrice du capital naturel. Dans les faits, la portée explicative de cette théorie est limitée, seule l’Allemagne arrivant à poursuivre sa croissance économique à un rythme soutenu tout en préservant l’environnement.
A l’inverse des « climatosceptiques », les partisans des mouvements écologistes s’appuient sur la théorie dite cette fois de la soutenabilité forte. Qui dit l’inverse ! Donc, si on la résume, le capital naturel n’est pas remplaçable par les autres facteurs de production et les dommages qui sont créés à la nature par l’activité de production sont irréversibles. Dans cette hypothèse, il ne suffit pas de maintenir le stock de capital global (ressources naturelles plus facteur travail plus facteur capital) constant, mais il faut plus particulièrement préserver et entretenir Dame Nature (dite capital naturel) car le progrès technique ne suffira pas à l’épargner, la pauvre ! Bref, l’Homme n’est pas encore assez évolué pour pouvoir toujours réparer ce qu’il détruit !
Ces idées sont encore minoritaires aux Etats-Unis quoiqu’en progression, mais majoritaires en Europe et surtout en France. S’appuyant sur ce raisonnement, la France est coutumière de politiques publiques de préservation de l’environnement qui passent par différents outils :
– La réglementation, qui consiste toujours à voter de nouvelles lois interdisant certains actes polluants. Sans quoi des sanctions financières sont prononcées. Le souci est que la réglementation doit être adaptée à la culture d’un pays et il ne peut pas pour l’instant y avoir des réglementations internationales, car les différentes cultures politiques sont trop éloignées. Il n’y a par exemple aucune réglementation possible pour la pollution en haute mer qui est pourtant énorme et qui fait que de nombreux produits de la mer deviennent aujourd’hui toxiques.
– Les taxes constituent un autre volet de la politique environnementale. Il s’agit pour l’État d’augmenter les taxes sur les biens les plus polluants. En accroissant donc artificiellement les prix afin d’en réduire la demande. Par exemple, on a longtemps fait croitre les taxes en France sur les produits pétroliers et plus particulièrement le diesel ainsi que sur les cigarettes. La fameuse TCIPE qui rapporte 37 milliards d’euros à l’État français par an (chiffre de 2019). Sur un litre de carburant à la pompe, vous payez près de 60% de taxe. C’est ce qui fait que le carburant coûte environ 2.5 fois plus cher en France qu’aux États-Unis.C’est d’ailleurs en raison de cette taxe qu’a démarré le mouvement des gilets jaunes il y a trois ans.
Sous prétexte de santé publique, les taxes permettent aussi à l’État de faire entrer des recettes fiscales. Ces taxes sont bien moindres dans les pays anglo-saxons qui ont une culture libérale.
Les économistes ultralibéraux, eux, sans être forcément « climatosceptiques », n’attribueront pas à l’État le rôle de préserver l’environnement. Ils préconiseront d’établir des droits de propriété sur les biens communs, leur raisonnement consistant à dire que celui qui a le droit de propriété sur une ressource naturelle fera tout pour protéger cette ressource afin qu’elle soit rentable. Par exemple la privatisation d’une plage incitera son propriétaire à la maintenir propre alors que sur une plage publique les dégradations sont plus fréquentes. Une conception très lointaine de celle de nos militants écologistes…