La délocalisation de la chaine de valeur de nos entreprises vers des pays où la main d’oeuvre est moins couteuse est une logique imparable du libre-échange tant décrié par les souverainistes. Les grandes entreprises des pays occidentaux ont tendance à maintenir la pré-production (recherche-développement, conception) et la post-production (marketing, SAV) dans leurs pays d’origine tandis qu’elles délocalisent la fabrication et l’assemblage vers des pays où le cout du travail est moindre. En fait, ce sont les activités nécessitant du travail qualifié et/ou créatif (à forte valeur ajoutée) qui sont maintenues tandis que celles qui utilisent du travail peu qualifié, répétitif et routinier (à faible valeur ajoutée) sont délocalisées. La fameuse courbe du sourire modélise ce phénomène.
On entend régulièrement les souverainistes parler de perte de pouvoir d’achat pour la population d’un pays comme la France car ces délocalisations créent du chômage et donc une baisse de revenus d’une partie de la population.
Mais à cet argument, un autre argument peut être opposé qui est celui de la répercussion de cette baisse des coûts de fabrication sur les prix de vente des produits.
Ainsi, il a été estimé* qu’un jean fabriqué au Bangladesh revient 44% moins cher au consommateur final qu’un même jean fabriqué en France. Selon la même source, des ballerines fabriquées au Vietnam couteraient au consommateur 39% moins cher que les mêmes ballerines fabriquées en France.
Ces raisonnements peuvent aussi s’appliquer dans l’électroménager, et sur plusieurs autres biens de la vie courante. Selon la même source, le gain serait de 13% sur une bouilloire fabriquée en Chine par rapport à une bouilloire fabriquée en France.
C’est aussi, ce qui, depuis de nombreuses années contient l’inflation.
De ce fait, les consommateurs gagnent en pouvoir d’achat car un même revenu leur permet d’augmenter leur panier de biens de consommation courante. Rappelons que le pouvoir d’achat est la capacité qu’offre un revenu à acheter un panier de biens et de services.
Il est difficile de dire précisément dans quelle mesure, au niveau macro-économique et sur le long terme, ces gains dépassent les pertes induites par le chômage généré par les délocalisations.
Toujours est-il que nos économies sont habituées à vivre avec un taux de chômage assez élevé, et on ne constate pas réellement une hausse du taux de chômage. En 2020, le taux de chômage de la zone Euro est de 8.3% contre plus de 9% en 2005 (source Eurostat). Pourtant, le phénomène de mondialisation, et son corollaire qu’est la délocalisation, se sont accrus durant cette période.
L’argument souverainiste s’avère donc être davantage un argument politique qu’un argument économique.
*Source : Capital.fr, 30 aout 2018. Article de Philippine Robert : « Valises, jeans, poupées… de combien la mondialisation fait baisser les prix ».
Jean-David Haddad