La dette publique française est l’un des sujets les plus sensibles de l’actualité économique et politique en France. Mais cette dette n’est pas un phénomène nouveau dans l’histoire de France. Depuis le XVIème siècle, le pays a régulièrement connu des périodes d’endettement plus ou moins importantes, souvent liées à des événements politiques ou économiques majeurs. La Révolution française a ainsi vu l’État accumuler une dette considérable pour financer ses guerres et ses réformes. Au XXème siècle, les 2 guerres mondiales ont également contribué à l’augmentation de la dette publique. Mais c’est en 1973 que celle-ci a commencé à prendre une texture tout à fait différente. Depuis lors, la dette française n’a cessé de croître, atteignant un niveau record en ce début de 2023 au-delà des 3000 milliards de dettes cumulées, sous l’effet, notamment, de la crise sanitaire liée au Covid-19 mais aussi de dépenses devenues structurelles déficitaires. Imaginez que de mon vivant, et je commence à vieillir, je n’ai jamais connu l’Etat français rendre une copie équilibrée de ses recettes et dépenses annuelles. Jamais en 50 ans, sans révolution, sans guerre…
Pour bien comprendre les enjeux qui se cachent derrière ces chiffres faramineux, il vous faut comprendre la structuration de la dette française. Elle est donc constituée de différents types d’emprunts et d’obligations, qui ont été émis à des moments différents pour financer des dépenses gouvernementales. En voici les détails afin de mieux comprendre sa constitution:
Premièrement, les emprunts bilatéraux : Il s’agit d’emprunts accordés par des pays étrangers ou des institutions internationales, tels que la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international. Ils sont anecdotiques et représentent environ 1% du total soit tout de même de l’ordre de 30 milliard d’euros.
Deuxièmement, les bons du Trésor à court terme : ce sont des emprunts avec des échéances inférieures à 12 mois. Ces bons sont principalement émis pour couvrir les besoins de financement à court terme du gouvernement. Ils représentent environ 10% de la dette publique française. Chose que je trouve, finalement ,beaucoup plus alarmante que les chiffres qui suivent. Imaginez que cela représente 300 milliards d’Euro à court terme en permanence. Là, le roll-over (le fait de ré-emprunter les mêmes sommes à la date d’échéance) est continuel et donc un peu plus aléatoire avec des montants, finalement, très importants. Imaginez vous aller chez le banquier tous les matins pour demander une rallonge à votre découvert bancaire… Vous devinez où cela vous amènera!
Troisièmement, la dette de la sécurité sociale. Cette dette correspond aux déficits des régimes de sécurité sociale tels que la sécurité sociale, l’assurance chômage et les retraites. Elle est intégrée dans la dette publique globale de la France. La dette de la sécurité sociale représente environ 12% de la dette publique française, soit près de 360 milliards d’euros, pile au moment où la France réforme une nouvelle fois son système de retraite. Il parait que le système est plein d’argent. Oui c’est vrai: l’argent des autres. Rien ne vous gène?
Quatrièmement, les emprunts auprès des banques et des investisseurs. Ils représentent environ 14% de la dette publique française. Merci à la finance internationale de nous prêter en permanence près de 420 milliard d’euros.
Cinquièmement, le morceau le plus important, les obligations d’État à long terme : Il s’agit d’emprunts à long terme qui ont des échéances allant jusqu’à 50 ans. Ces obligations d’État à long terme représentent environ 63% de la dette publique française. Vous devinez que ce poids peut modérer quelques chants alarmistes actuels avec un roll-over qui ne serait pas aussi proche que l’on pourrait le penser. Pas aussi proche? Lisez donc la suite.
Même si les emprunts à long terme sont plus rassurants, il ne faut pas négliger au sein de cette seule classe de dettes la répartition des maturations (longueur en temps des emprunts). Vous devinez que les dettes à 50 ans sont bien moins fréquentes que celles à 10 ans (qui restent le standard pour les emprunts d’Etat). Ce n’est pas parce que certains pays réussissent à émettre des emprunts à échéance 100 ans (à des taux incroyablement bas) que c’est monnaie courante. Ainsi, voici les chiffres (à fin 2021) de cette répartition des maturations selon l’Agence France Trésor,organisme chargé de la gestion de la dette publique française:
Moins d’un an : 16,8 %
Entre 1 et 5 ans : 30,4 %
Entre 5 et 10 ans : 22,9 %
Entre 10 et 15 ans : 11,3 %
Entre 15 et 20 ans : 7,2 %
Plus de 20 ans : 11,4 %
Deux chiffres sautent aux yeux. Près de la moitié de la dette est à échéance dans moins de 5 années (à fin 2021) et 70% dans moins de 10 ans. Ainsi, nous pourrions penser que cet endettement continuel qui n’a finalement gêné quasiment personne pendant des décennies va poser un problème dans les années qui viennent.
Vous avez compris là où je voulais en venir… La hausse des taux d’intérêt va faire exploser le coût (ou la charge) de la dette. Lorsque les roll-over se présentent à notre Etat-providence, il faut comparer le taux d’intérêt de la dette arrivée à échéance avec le nouveau taux d’emprunt… Vous devinez que le nouvel emprunt qui couvrira l’ancien se fera au nouveau taux (sinon, pas d’investisseurs pour les acquérir). Or, tout ce qui a été emprunté depuis 2015 (depuis 8 ans) a été emprunté à des taux inférieurs à ceux d’aujourd’hui. Ainsi, si vous associez la hausse des taux d’intérêt actuelle aux échéances rapprochées des roll-over de dette (près de la moitié à échéance inférieure à 5 ans), vous devinez bien que le poids de la charge d’intérêt de la France va exploser. C’est mécanique. Des milliards données aux investisseurs obligataires au lieu de le donner à l’éducation, l’hôpital ou la défense du territoire. On n’est pas prêt de voir nos professeurs assidûment présents devant nos bambins. A quand les manifs pendant les vacances scolaires?
Le taux 10 ans français à son plus haut niveau depuis 8 ans.
La dette de la France est le résultat des errements de décennies de laxisme politique. Il n’est pas nécessaire d’accuser les intervenants du moment de ce que les chiffres sont aujourd’hui. La dette est un paquebot qui aura du mal à changer de direction. La seule chose qui saura l’arrêter, hélas, c’est un accident… Ne serais-je pas en train de vous conter la magnifique traversée du Titanic??? C’est à craindre. Mais rassurez-vous, l’article ne finira pas négativement, bien au contraire. L’inflation, étant ce qu’elle est, a un effet plutôt positif sur un point. Point essentiel.
Concernant les dettes, l’inflation a tendance à éroder la valeur des dettes anciennes. Les dettes d’Etat étant remboursées à échéance, la valeur d’un euro à la date d’émission aura changé à la date de remboursement (10 ans plus tard par exemple). C’est le taux d’inflation qui érode cette valorisation. Ainsi, en période d’inflation, les vieilles dettes valent (à échéance) beaucoup moins. Il s’agit juste de ne pas emprunter autant et de devenir quelque peu raisonnable avec les dépenses de notre État afin de retrouver nos équilibres sur longue période. Ainsi ne pas réformer notre pays serait un crime pour nos enfants. Ne trouvez-vous pas qu’ils auront d’autres soucis à affronter que ceux que l’on a eu à gérer lors des dernières décennies? Moi je le pense. Alors réformons, arrêtons le laxisme. Redevenons ce que nous avons été pendant des siècles: des êtres raisonnés et raisonnables qui pensent aux générations futures.