Le triste épisode COVID dont on espère qu’il est désormais derrière nous, a mis nos économies face à la réalité de la décroissance brutale mais éphémère. En 2020, le PIB de la France a baissé de 7.9%. Un chiffre énorme. La croissance a repris en 2021 et l’on espère que cette dernière va se poursuivre sur les années suivantes. La croissance permet de créer de la richesse, de la distribuer et de faire augmenter le niveau de vie d’une population.
Mais l’histoire nous montre que la croissance économique, qui se traduit par une hausse du niveau de vie, est un phénomène récent. Une étude récente de l’Université de Groningen* (Pays-Bas), a montré que le PIB mondial par habitant a été multiplié par 11.7 entre 1870 et 2010 (soit un taux de croissance annuel moyen de 1.8%, finalement conforme à ce que nous connaissons depuis quelques années. Mais entre l’an 1 et l’an 1870, il a été seulement multiplié par 1.43 soit un taux de croissance annuel moyen de quasiment 0%. C’est donc l’enchainement de la Révolution industrielle puis de l’époque contemporaine avec ses technologies mais aussi ses crises qui a permis cette croissance.
Pourquoi le niveau de vie ne progressait pas avant le 19ème siècle?
-La natalité était très élevée mais la mortalité aussi. L’espérance de vie, forcément réduite, ne permettait pas, sur l’échelle d’une vie, forcément trop courte, de créer et, d’inventer suffisamment.
-Les famines et les épidémies venaient anéantir régulièrement toutes vélleïtés de croissance.
-La religion, avec sa très forte prégnance dès le début du Moyen-Age, empêchait la science de progresser, et donc constituait un frein au progrès technique.
Ce sont exactement les causes inverses qui ont permis la croissance à partir du milieu du 19ème siècle, et avec elle, la progression du niveau de vie. On peut y ajouter le développement sans précédent des moyens de transport : le train, l’aviation, l’automobile, mais aussi des bateaux motorisés, plus rapides et de taille supérieure. Ainsi, les échanges internationaux ont pu s’accomplir et se multiplier. Les débouchés de la production sont progressivement devenus mondiaux. A cela on peut également ajouter les libertés individuelles menant à l’émancipation de l’individu, ainsi que les libertés collectives.
Le phénomène est si récent à l’échelle de l’humanité que l’on peut s’interroger sur sa pérennité future.
Aujourd’hui, la science peut-elle encore progresser? Jusque là, le progrès technique a détruit des emplois pour en créer d’autres. Avec l’avènement de l’intelligence artificielle, et le remplacement de postes de création par des machines, on peut se poser la question d’un chômage de masse qui freinerait la croissance et finirait par justifier la mise en place d’un revenu universel. L’endettement sans précédent des états, surtout en Europe, qui culmine après la crise sanitaire et risque de s’accroitre encore et encore surtout avec la mise en place d’un éventuel revenu universel, donnerait à ces derniers un rôle encore plus important dans nos sociétés. Réduisant ainsi progressivement nos libertés. Quand l’état progresse, les libertés se restreignent, c’est le principe même du fonctionnement d’une société. Cela serait accentué par la montée des souverainismes et les volontés de démondialisation. Enfin, les doctrines écologistes qui prennent de plus en plus de poids dans nos paradigmes de vie, ont tendance à se radicaliser, se montrer punitives, et commencent à prôner d’arrêter de voyager car le voyage pollue.
Toutes ces évolutions actuelles mises bout à bout, si on les projette sur une longue période, laissent entrevoir un risque. Celui d’un retour à une croissance bien plus modeste, voire, dans plusieurs décennies, inexistante. Comme cela a finalement été le cas avant le 19ème siècle.
Assisterons-nous à la fin, non pas des 30 glorieuses, mais des 200 glorieuses?
L’avenir le dira, mais les raisons de se montrer optimiste pour les générations futures, sont plutôt minces.
*Groningen Growth and Development Centre, Maddison Historical Statistics