La période contemporaine se caractérise par des dynamiques irréversibles et puissantes d’endettement, de déficits, de dégradation de la stabilité monétaire et économique de long terme. Entre 2010 et 2020, le déficit fédéral américain a augmenté de près de +150% tandis que la dette publique américaine a été multipliée par près de 5 depuis le début du millénaire. Cette dérive est globale, ce qui limite les risques de distorsions.
Quels sont les risques de la dette à outrance ?
La dette n’est pas un mécanisme cour-terministe. C’est un processus long, qui nécessite l’éternel éclaircissement de l’Histoire. Les crises de dettes publiques ont souvent été au cœur de l’émergence et la chute des puissances économiques. On retrouve les premières traces dès l’antiquité. De nos jours, de nombreux économistes ont tendance à sous-évaluer les dangers de la dette publique :
- La dette publique diminue fortement la marge de manouvre politique des gouvernements, ce qui menace la stabilité politique à long terme.
- Il existe une corrélation assez forte entre dette publique, chômage, fiscalité, et en partie la concentration des richesses.
- La dette publique augmente la dépendance des marchés financiers et de l’économie aux liquidités, ce qui entraine des risques d’instabilité.
Le marché obligataire est le deuxième marché en volumes après l’immobilier. Plusieurs mécanismes financiers sont à différencier :
- L’évolution des prix de l’immobilier dépend en grande partie de la dette publique, principalement à travers l’évolution des taux et l’effet présent sur l’épargne.
- L’évolution du cours des actifs financiers comme les actions dépend en grande partie de la masse monétaire à long terme [voir notre précédent article]. Par ailleurs, le besoin de financement des États détermine en très large partie l’évolution de la masse monétaire.
Un point sur le budget…
En France, la Cour des Comptes a estimé qu’un retour sous les 3% de déficit serait possible pour 2027. Un retour a l’équilibre mettra donc nécessairement plus d’une décennie, ce qui est considérable. Les besoins de financement demeurent particulièrement soutenus pour la France. Le service de la dette, c’est-à-dire le besoin de refinancement de la dette, s’élèverait à 130 milliards d’euros sur 2021, soit près de 6% du PIB de 2020. À titre comparatif, le service de la dette est supérieur au budget de l’éducation nationale, qui est pourtant le deuxième budget de l’État après l’économie. Avec un déficit record de 9,4% (220 milliards d’euros), la France s’enfonce dans une impasse budgétaire de long terme.
L’échéance moyenne de la dette française est de 8,4 ans. Plus de la moitié de la dette publique est détenue par des créanciers étrangers. La France est donc dans une situation peu soutenable à long terme, qui menace la stabilité monétaire et politique. La France entre dans les mauvais élèves de la zone euro, avec une dette au PIB supérieure à la Croatie, à la Belgique ou encore à Chypre et similaire à des pays comme l’Espagne ou le Portugal.
Quelle est l’ampleur des risques des prochains mois ?
Aux États-Unis, Janet Yellen, à la tête du Trésor américain, a mis en garde contre les possibles risques de défaut de paiement du Trésor en août. Le Trésor pourrait manquer de liquidités après ses dépenses exceptionnelles pour recouvrir ses créances. Pour éviter les risques, Janet Yellen a demandé au Congrès de relever la limite de dette. Janet Yellen a justement mis en garde en cas de défaut que cela « précipiterait une crise financière, qui menacerait les emplois et les économies des Américains à un moment où nous nous remettons encore de la pandémie de coronavirus ».
Le problème des États demeure le fait que le service de la dette est très conséquent. La hausse de la dette publique à long terme provoque une hausse des besoins de financement. La même situation menace en Europe avec la cour de Karlsruhe qui devrait refaire surface à l’été, ainsi que le départ d’Angela Merkel en septembre 2021. La reprise de l’économie et de l’inflation devrait ainsi se poursuivre jusqu’en 2022 au moins.
Comme le montre le graphique ci-dessous, le taux américain à 10 ans s’est détendu ces deniers mois (-0,43 points). Récemment, le taux a atteint le niveau des 1.34%, soit le support précédent touché en 2012 et 2016, après avoir atteint un sommet à 1,77% fin mars 2021. La tendance à long terme reste celle d’une hausse légère des taux, par effet de rattrapage de la croissance, de l’inflation, et de mesure du risque additionnel provoqué par l’endettement COVID. À court terme, les menaces demeurent sur les États, et la nécessité d’augmenter fortement les recettes à partir de 2022 devrait provoquer des contestations plus politiques que financières.
Comme expliqué dans notre précédent article [voir], les marchés sont dans une situation de pénurie relative de liquidités pour l’été, ce qui explique plus globalement les risques de défaut. Néanmoins, à long terme, l’abondance relative de liquidités devrait favoriser la diminution du risque budgétaire pour les États. On peut ainsi s’attendre à des risques budgétaires relativement soutenus pour les prochains mois ; tant que les banques centrales agissent autant que possible, malgré l’inflation. Ensuite, le retour à un rythme de croissance normal, et peut-être d’inflation, devrait conduire à une lente diminution du risque public pour quelques années.