On parle beaucoup de l’inflation en ce moment. C’est normal. Elle est là. Comme on ne l’avait pas vu depuis bien longtemps.
On ne peut pas parler d’inflation sans aborder la problématique des taux d’intérêt. Car le mécanisme essentiel, qui est au coeur de l’impact de l’inflation sur l’économie, se trouve là.
Rappelons que les taux d’intérêt expriment le coût ou le rendement en pourcentage du montant que vous empruntez ou que vous prêtez.
Selon la Banque Centrale Européenne, « Le taux d’intérêt nominal est le taux effectivement convenu et payé. Il s’agit, par exemple, du taux que les propriétaires d’un bien immobilier paient sur leur crédit hypothécaire ou du taux qu’une banque verse aux épargnants sur leurs dépôts. Les emprunteurs paient le taux d’intérêt nominal et les épargnants perçoivent ce taux. »
Avec une stabilité des prix, un taux d’intérêt de 1% est vécu par le prêteur ou le souscripteur comme un taux d’intérêt de 1%. Mais quand les prix montent, la donne est évidemment différente.
En effet, imaginons que vous placiez 1000€ à 1% de taux d’intérêt annuel le 1er janvier de l’an 1. Il s’agit du taux nominal. En un an, vos 1000€ vous rapporteront 10€. Donc, au bout d’un an, vous aurez 1010€. Imaginons que la baguette de pain coute 1€. Au 1er janvier de l’an 2, vous pourrez acheter 1010 baguettes de pain au lieu de 1000 baguettes. Vous êtes gagnants. Mais imaginons maintenant qu’une forte inflation soit passée par là et que la baguette de pain ait vu son prix croitre de 5% entre le 1er janvier de l’an 1 et le 1er janvier de l’an 2. Elle vaut donc 1.05€ au 1er janvier de l’an 2. Combien de baguettes pourrez-vous acheter ? 1010/1.05 = 961 baguettes. Bien que vous ayez placé votre argent à 1% de taux d’intérêt, au bout d’un an, vous achèterez moins de baguettes de pain, car le prix de baguette a augmenté plus vite que votre épargne. L’inflation vous aura pénalisé.
C’est là qu’intervient la notion de taux d’intérêt réel, qui tient compte de l’inflation. Le taux d’intérêt réel est le taux d’intérêt nominal corrigé de l’inflation.
Pour simplifier, et sans entrer dans des calculs mathématiques complexes comme l’équation de Fisher, on peut considérer que le taux d’intérêt réel correspond au taux d’intérêt nominal moins le taux d’inflation.
Un taux d’intérêt nominal de 1% et un taux d’inflation de 5% mènent ainsi à un taux d’intérêt réel de -4%.
Autrement dit, en période d’inflation marquée, comme c’est le cas « officiellement » depuis 2021, il faut que ce que rapportent vos placements soit bien plus élevé que le taux d’inflation pour que vous soyez gagnants. Autrement, vous êtes perdants. Actuellement, avec des taux d’intérêt nominaux très faibles, le grand public est clairement perdant.
En revanche, les emprunteurs sont gagnants. Car les taux d’intérêt, s’ils sont bas pour les prêteurs, sont bas également pour les emprunteurs.
Prenons un exemple. Vous souscrivez à un prêt immobilier sur 15 ans de 200 000 euros pour financer l’achat d’un studio. Le TEAG (taux d’intérêt annuel global) du prêt est de 2 %. La mensualité (1 347 euros) restera la même tout au long du remboursement. Si l’inflation est forte, ces 1347 euros, que vous ne pourrez pas injecter dans la consommation de biens et services, vous couteront de moins en moins de biens et services. Reprenons le cas de la baguette de pain. Avec une baguette à 1€, vous vous privez de 1347 baguettes par mois. Avec une baguette de 1.05€ vous vous privez de 1282 baguettes. Avec une baguette à 2€, vous vous privez de 673 baguettes… Plus l’inflation est élevée, plus les emprunteurs sont gagnants, du moins si leur taux de remboursement n’augmente pas.
Et comme le dicton dit qu’on ne prête qu’aux riches, eh bien si c’est vraiment le cas, on peut alors dire que l’inflation enrichit les riches !