La mondialisation dynamise l’économie, mais favorise également les écarts de dynamiques. La crise du COVID a accéléré certaines tendances mondiales, et régionales. Les écarts se creusent et l’Europe sort de cette crise de manière inexorablement perdante. Ces dynamiques très différenciées participent inévitablement à la déstabilisation des relations internationales actuelles. Nous entrons dans un nouvel équilibre monétaire et financier mondial.
Économie mondiale : nouvelles dynamiques.
Le graphique ci-dessus reprend le taux de croissance dans plusieurs pays du monde. Sans surprise, le taux de croissance le plus élevé se concentre en Asie et dans certains pays d’Afrique. Cependant, la tendance mondiale est une chute continue de la croissance. Les principaux éléments d’explication sont la démographie (qui a franchi son point d’inflexion) et les gains de productivité en chute (endettement, réduction du poids du secteur privé, etc.).
Concernant les pays d’Asie, la forte croissance est plutôt le fait de la Chine, du Vietnam et de l’Inde. L’Asie s’impose aujourd’hui comme le nouveau centre économique et financier du monde. La création récente du RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership), fait maintenant de l’Asie le premier centre de coopération économique, représentant 30% du commerce mondial.
Vers de nouvelles relations et crises internationales ?
Flux de capitaux et dettes.
Dans les années 1980 et 1990, les crises étaient généralement le fait de crises de change et de flux de capitaux (1989 au Japon, 1997 en Asie, 1998 en Russie). Ces crises de change ont été principalement la conséquence de l’ouverture aux échanges mondiaux et de l’instabilité monétaire plus forte de l’époque (dévaluations, etc.).
Par ailleurs, il y a peu, la FED a franchi un nouveau cap dans les rachats de dettes publiques américaines. La Banque centrale américaine détiendrait plus de dettes publiques que les créanciers étrangers. La répartition de la dette publique fédérale (qui est de 28 000Mds$) détermine également la force du dollar. La Chine détenait en septembre 2020 près de 1 060Mds$ dettes fédérales, contre 1280Mds$ pour le Japon. Les pays étrangers détiennent à eux-seuls près de 7 000Mds$. La FED détient quant à elle plus de 9 000Mds$ de dettes !
Enfin, les flux de capitaux actuels sont révélateurs des changements d’équilibres. En 2019, d’après la Banque mondiale, les flux de capitaux étaient principalement à destination de la Russie et de la Chine et du cœur de l’Europe (Allemagne, Pays-Bas, etc.). Les pays africains sont globalement stables tandis que l’Amérique, l’Europe de l’Est et de l’Ouest sont débiteurs. On retrouve non seulement l’écart interne en Europe [voir notre précédent article], mais également l’écart mondial Est/Ouest qui se creuse.
Étatisation et idéologies.
Pour le cas des États-Unis, la dégradation accrue de la situation depuis 2000 se traduit par différents indicateurs économiques :
- La chute de l’utilisation de la monnaie (Vélocité), en corrélation directe aux déficits publics (voir graphique ci-dessus). La perte de contrôle budgétaire et monétaire en Occident est dangereuse pour la stabilité monétaire et économique.
- La hausse du taux d’épargne et du taux d’endettement. La dégradation de la situation des ménages et des entreprises aux États-Unis (et en Europe) est bien perceptible, d’autant plus que le taux de croissance tend à faiblir.
- La chute à long terme du dollar, au niveau des changes et des réserves de change. En 2020, le dollar pèse encore 61% des réserves de change, tandis que l’indice dollar chute de 25% depuis 2000.
Émergence et chute des devises.
27 ans. C’est la durée moyenne de vie d’une devise fiduciaire depuis le XVIIe siècle. Sur près de 800 devises recensées, 77% ont disparu, dont 25% sont détruites du fait de l’Hyperinflation [voir article]. La chute d’une devise est donc souvent le fait d’une mauvaise compétitivité et attractivité mondiale.
Le dollar s’est imposé en deux temps : après la Première Guerre mondiale aux côtés de la Livre britannique et une deuxième fois après la Seconde Guerre mondiale. Si l’on reporte la création du système de Bretton Woods (1944) de 27 ans, nous obtenons 1971 (et 1918 si l’on déduit). La prochaine cible était donc logiquement 1999 avec la création de l’euro, et la suivante sera autour de 2026 [voir travaux]. À terme, on voit ainsi plusieurs dynamiques se distinguer :
- La dégradation de la conjoncture en Occident du fait du manque de contrôle budgétaire et monétaire. À cela, s’ajoute la démographie et les tendances structurelles de croissance.
- Une continuité du dynamisme Asiatique malgré des menaces démographiques et structurelles à plus long terme (plus de 20 ans).
- Une continuité des forts écarts en Europe du fait de l’endettement, des dépenses publiques, des déficits, et enfin de la compétitivité. Ce qui est un facteur (très) instable pour l’euro.
En bref, la suprématie du dollar sera nécessairement remise en question. L’économie ne pourra mécaniquement pas soutenir des taux négatifs et des déficits toujours plus accrus durant les 15 prochaines années.