Sur le premier trimestre 2022, l’INSEE a publié des résultats économiques moroses. Le PIB en variation trimestrielle variait de 0%. Ce déclin de la croissance a été essentiellement porté par le consommation (-0,6 points) et contré par la variation des stocks (+0,4 points). En termes de déclin par secteur économique, ce sont les secteurs de l’énergie, des biens fabriqués et de l’alimentaire qui voient leur produit diminuer. A partir de constat, une récession pourrait prendre effet si d’une part le déclin de ses secteurs se confirme et d’autre part le déclin des secteurs dépendants s’enclenche. Nous étudierons dans cette courte publication les interdépendances économiques qui nous permettraient d’identifier les secteurs qui seraient potentiellement les plus touchés par une supposée récession.
Les comptes nationaux
Il est courant d’entendre parler du PIB et de sa variation. Mais à quoi correspond-t-il véritablement ? Le PIB peut être obtenu de trois manières différentes. Il s’exprime par ailleurs sous la forme de tableaux : en termes techniques il s’agit d’un tableau entrée sortie (TES) ou d’un tableau économique d’ensemble (TEE). L’objectif n’est pas ici d’entrer dans le détail de la construction des statistiques économiques mais de les utiliser dans le détail pour comprendre les interdépendances entre secteurs.
Une manière courante d’exprimer le PIB est de réaliser la somme des valeurs ajoutées. La valeur ajoutée est la différence qu’il existe entre la production d’une branche et les biens et services qu’elle a utilisé pour produire. Dans le jargon des économistes, on parle aussi de la différence entre le produit et les consommations intermédiaires. Le cumul de l’ensemble des valeurs ajoutées réalisées sur la période donnée constituent le PIB. Dans la construction statistique, chaque branche dispose d’une colonne de production et d’un tableau des consommations intermédiaires.
Ainsi, il est par exemple possible que la branche de l’industrie dépende fortement des consommations intermédiaires produites par la branche de l’énergie. En cas de ralentissement de l’activité de l’industrie, cela impacterait immédiatement la production d’énergie. Inversement, il est tout à fait possible d’imaginer qu’un ralentissement de l’activité de la branche de l’énergie contraigne à un ralentissement de l’activité industrielle. La dépendance d’une branche à l’autre dans le processus de production (le rapport entre les consommations intermédiaires produites par le branche x et la production de la branche y) s’exprime aussi comme le « coefficient technique ».
Les secteurs sensibles…
Une des premières règles observables en statistiques économiques est qu’un secteur dépend généralement le plus de lui-même dans le processus de production. Ainsi, il faut généralement des céréales pour planter la culture agricole de l’année suivante, il faut probablement de l’énergie pour en produire, il faut probablement des bâtiments pour stocker les matériels de construction, des denrées alimentaires pour produire des plats, etc… Ainsi, le risque du déclin d’une activité est souvent d’abord une menace persistante pour ce même secteur. Si une économie était spécialisée dans une seule branche, le moindre ralentissement d’activité de cette branche conduirait à la persistance d’une récession violente.
Le premier risque à moyen terme pour l’économie française serait donc une persistance du ralentissement de l’activité pour les branches de l’énergie, des biens fabriqués et de l’alimentaire. Néanmoins, ces secteurs influent fortement sur la production d’autres secteurs. Dans le tableau ci-dessous, nous avons représenté le coefficient de dépendance dans la production de la branche en colonne à partir des consommations intermédiaires de la branche en ligne. Techniquement, le tableau ci-dessous est une partie du tableau dit des entrées intermédiaires exprimé sous forme de coefficients techniques.
Les secteurs qui ont ralenti (ou assimilé) sur le premier trimestre 2022 sont représentés par les colonnes surlignées en jaune et beige. Les cases rouges recense une dépendance entre branches supérieure à la moyenne. On retrouve d’abord la « diagonale de dépendance » sur le tableau, qui traduit le fait que la plupart des branches dépendent d’abord d’elles-mêmes.
En ce qui nous intéresse, on remarque que la production de denrées alimentaires dépend essentiellement de l’agriculture. Ensuite, la fabrication de biens dépend essentiellement de la fabrications d’autres biens divers (branches en beige), mais également en partie de l’énergie et du raffinage de pétrole. Enfin, le secteur de l’énergie est essentiellement dépendant des industries extractives.
A l’inverse, on observe que la production de denrées est très utile pour les branches de l’hébergement et de la restauration (55%), de l’agriculture et de l’enseignement. De son côté, la fabrication de biens est essentiellement utile à la production dans les branches de la fabrication d’autres biens, de la fabrication de denrées alimentaires et de la construction.
L’économie française en un graphique…
On en déduit alors qu’un ralentissement prononcé de l’activité en France serait, au-delà de la persistance de déclin des activités énergétiques, alimentaires et des produits manufacturés, le fait du secteur industriel. Le risque qui pèse actuellement sur l’économie deviendrait donc un risque sérieux s’il venait à se traduire au niveau de l’industrie dans le cas d’un choc d’offre, le plus probable à ce jour. Sinon, dans le cas d’un choc de demande, le risque récessif pèse essentiellement sur les secteurs de la restauration, de l’agriculture, des biens manufacturés et de la construction. Dans les deux cas, le secteur industriel demeurerait le plus impacté.
De leur côté, les activités de services en cas de choc d’offre seraient relativement épargnées. Pour visualiser les dépendances entre secteurs, nous avons représenté ci-dessous le coefficient de dépendance de branche à branche sous forme d’un graphique en surface.
On retrouve sur le graphique une diagonale en « chaîne de montagne », qui illustre la dépendance des branches à elles-mêmes. Pour autant, on remarque à gauche et au centre du graphique une surreprésentation de ces dépendances. Cela illustre visuellement nos conclusions, selon lesquelles les secteurs les plus menacés pour l’heure sont les secteurs de la production matérielle.