Nombreuses sont les personnes qui rêveraient de pouvoir obtenir des informations de premier ordre sur une société cotée et s’en servir pour se placer avant tout le monde sur le titre et empocher le jackpot.
Bien que cette pratique soit illégale, certains ne se gênent pas pour passer à l’action. À l’image Brett Cohen qui avait obtenu des informations confidentielles sur le rachat de la société Exas en 2008 et qui en avait fait part à son Oncle, David Mayers, en utilisant un langage crypté inspiré du film « Wall Street » sorti en 1987. Le duo avait réussi à empocher la bagatelle de 600 000$ avant de se faire épingler pour délit d’initié par le gendarme boursier américain (la SEC).
Dans cet article, nous allons revenir sur la définition d’un délit d’initié pour ensuite analyser les conséquences judiciaires pour les particuliers ou les entreprises qui seraient amenés à effectuer ce type d’abus de marché.
Qu’est-ce qu’un délit d’initié ?
Le délit d’initié se définit par l’action d’une personne travaillant dans une société ou de tout autre personne dès lors qu’elles disposent d’une information privilégiée, de faire usage de cette information en procédant (ou annulant) des opérations sur des instruments financiers concernés par celle-ci pour son compte ou pour autrui.
L’article L465-1 du Code Monétaire et Financier dispose, par ailleurs, que l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 100 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple du montant de l’avantage retiré du délit, sans que l’amende puisse être inférieure à cet avantage.
Concernant les personnes morales, l’article 131-41 du Code Pénal va encore plus loin. En effet, il dispose que le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par le règlement qui réprime l’infraction.
Qui sanctionne le délit d’initié ?
Depuis la publication au journal officiel de la loi n° 2016-819 du 21 juin 2016, qui vise à réformer la répression des abus de marché, la procédure a été modifiée. Alors qu’auparavant, le délit d’initié ou le manquement d’initié pouvaient faire l’objet de sanctions pénales et administratives, désormais le dossier fait l’objet d’un aiguillage entre le parquet financier et le Collège de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) afin de statuer qui est le plus à même de poursuivre les faits.
Si les deux entités ne trouvent pas d’accord, la décision revient au Procureur Général de la Cour de Paris.
Quelques exemples de sanctions liées à des manquements d’initié
En 2020, la commission des sanctions de l’AMF a rendu deux décisions concernant des manquements d’initiés :
- Le 28 février 2020 concernant un manquement d’initié dans le cadre de l’OPA du Club Med initiée en mai 2013. Les amendes s’élèvent à 600 000€ et 1 000 000€ pour les deux personnes physiques impliquées dans l’affaire et 800 000€ pour la société. À noter que les informations privilégiées leur ont permis de réaliser des plus-values à hauteur de 196 095€ et 323 941€ pour les deux premiers et 285 995€ pour l’entreprise. L’une des personnes sanctionnées a formé un recours devant la Cour d’Appel de Paris le 28/02/2020 afin de contester cette décision.
- Le 13 novembre 2020 concernant là encore un manquement d’initié dans le contexte d’un rapprochement entre les sociétés Campari et Grand Marnier (qui s’est soldé par une OPA du premier sur le second). Cinq personnes physiques se sont vues infligés des amendes allant de 25 000€ à 100 000€ suite à l’utilisation d’informations privilégiés. Deux recours ont été formés depuis devant la Cour d’Appel de Paris en février 2021 par deux personnes sanctionnées puis en avril 2021 par le président de l’AMF.
Conclusion
Utiliser ou transmettre des informations privilégiées dans le but d’intervenir sur des instruments financiers de sociétés cotées pour soi ou pour autrui est interdit.
Pourtant, même si les sanctions pénales et administratives sont dissuasives, chaque année, des affaires de ce type sont jugées devant le Tribunal ou par la commission des sanctions de l’AMF.
Au fond, bien que le nombre d’enquêtes pour délit d’initié représente un chiffre important dans le monde (plusieurs centaines chaque année), les juges éprouvent de grandes difficultés à aller jusqu’au bout de la procédure. Le mis en cause ayant toujours la possibilité de se défendre en mettant en avant son intuition ou son flair pour dénicher un bon coup en bourse.