Les États-Unis ont perdu, mardi 1er août 2023, leur précieuse notation AAA, abaissée par Fitch à AA +. L’agence de notation a abaissé la notation crédit des États-Unis en raison des préoccupations concernant le pilotage fiscal du pays au cours des trois prochaines années et de l’accroissement de la dette publique. Fitch estime que les «impasses répétées sur le plafond de la dette» font état d’une érosion de «la confiance» dans la gestion budgétaire de Washington. Elle souligne aussi le haut niveau de la dette US qui, et c’est normal finalement, impose une plus grande entente entre parlementaires américains à ce sujet. Cette décision aura des implications importantes pour l’économie américaine et mondiale. Faisons un rapide état des lieux car les conséquences pour les marchés financiers seront multiples. La méfiance est de mise, surtout en cette période estivale toujours fragile pour les actifs risqués.
“Les normes de gouvernance se sont détériorées de manière constante au cours des 20 dernières années, notamment en matière de fiscalité et de dette, et ce, malgré l’accord bipartisan trouvé au mois de juin”. Voilà le communiqué de l’agence de notation pour justifier cette décision lourde de conséquences. À vrai dire, le message d’alerte de l’agence date du mois de juin de cette année. Rappelez-vous, ce fut, à ce moment-là, le feuilleton du printemps concernant le relèvement du plafond de la dette américaine. Comme d’habitude, les congressistes républicains et démocrates se sont chamaillés sur des détails parfois vraiment sans intérêt, pour finalement arriver à un accord logique (et même pas surprenant) de relèvement du plafond de la dette et de modération des dépenses. On écartait ainsi le spectre d’un défaut de paiement, pour la 77ème fois de l’histoire. Nous n’irons pas plus loin sur ce sujet, tout a été largement dit dessus.
Ainsi, tout le monde a souri pour la photo… Tout le monde? Pas vraiment. Il existe des organismes privés aux États-Unis et notamment les agences de notation qui n’ont pas apprécié ce jeu du “je te tiens la barbichette”. Et finalement, c’est très bien de l’avoir dit. Il est vrai que de donner une image décousue de l’administration américaine alors que les centaines de milliards de dollars s’accumulent au décompte de l’Oncle Sam est à la limite de l’irresponsabilité. Bref, quand on se met de ce côté-ci, on se rend compte que Fitch a bien eu raison de mettre une petite tape derrière la tête du Congrès américain. Que l’on ne vous y reprenne pas ! Vous y réfléchirez à 2 fois la prochaine fois…. en 2025. Oui, dans 2 ans seulement.
La dette US sur près d’un siècle…
La notation crédit souveraine est une mesure de la capacité d’un pays à rembourser ses dettes et à honorer ses obligations financières. Ainsi, une notation plus basse indique que l’agence de notation considère le pays plus risqué pour les investisseurs, ce qui peut entraîner une hausse du coût du financement de la dette puisque la prime de risque augmente. Rien n’est gratuit en ce bas-monde, mes chers lecteurs. En cette période de hausse de taux, il faut bien admettre que ça peut être un peu gênant, voire très gênant. Ainsi, le gouvernement américain devra payer des taux d’intérêt plus élevés sur ses émissions de dettes futures suite à cette décision de la célèbre agence de notation. Mécaniquement, on alourdira le fardeau de cette dette et compliquera davantage sa gestion financière future. Mais, ça, il fallait y penser avant, mesdames-messieurs les congressistes.
La dette US en % du PIB, plus qu’au sortir de la guerre…
Il est à noter qu’il y aura aussi une conséquence pour les pays qui sont restés AAA. En effet, il est fort à parier que les dettes de moins en moins nombreuses à rester à ce niveau de notation verront, dans les mois qui viennent, des sur-souscriptions importantes qui leur permettront de baisser leur taux d’intérêt. Que voulez-vous? Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les autres? Eh bien en voici la liste: l’Australie, le Danemark, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suisse, la Norvège, la Suède et Singapour. Si, par hasard, vous cherchiez à faire du rendement obligataire sur ces pays-là, je crois que vous pouvez aller voir ailleurs. Il existe des pays mieux rémunérés avec un risque pas vraiment supérieur… En tout premier lieu, les Etats Unis… car ne nous y trompons pas, ce n’est pas la fin du monde non plus.
Sans vouloir aller très loin dans la recherche des racines du mal, cette dégradation de la notation crédit est la conséquence d’une dégradation du climat fiscal pour des raisons politiques, de l’accroissement de la dette et de la hausse des taux d’intérêts. Fitch évoque également une détérioration des marges de manœuvre politiques, illustrée par des impasses répétées sur la limite de la dette et des résolutions de dernière minute. De plus, le gouvernement américain ne dispose pas d’un cadre fiscal à moyen terme, ce qui ajoute à l’incertitude concernant la gestion des finances publiques. En bref, faites le ménage chez vous, il est grand temps! Surtout qu’il y en a qui auraient comme idée de créer une monnaie concurrente au dollar US dans les semaines qui viennent…
Ce mouvement de dégradation de la notation était finalement attendu, étant donné que l’agence avait placé la note « AAA » des États-Unis sous surveillance en raison de l’enlisement des négociations sur le plafond de la dette. La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a bien évidemment désapprouvé la décision de Fitch, la considérant comme « arbitraire et établie sur des données obsolètes ». Cependant, l’agence maintient sa position en insistant sur la détérioration des normes de gouvernance au cours des dernières décennies malgré les accords politiques bipartisans. Il faut apprécier ce contre-pouvoir.
Toutefois, la dégradation de la notation crédit des États-Unis peut avoir des conséquences importantes sur l’économie du pays. Elle peut inciter certains investisseurs à réévaluer leurs positions et à réduire leur exposition à la dette américaine, ce qui entraînera une baisse de la demande pour les obligations du gouvernement américain. En outre, cela peut également affecter la confiance des investisseurs dans l’économie américaine en général, ce qui pourrait avoir des répercussions sur les investissements, la consommation et la croissance économique. Même si nous venons de parler comme dans un livre, et qu’il est très prématuré de voir un scénario noir se mettre en place, la conséquence immédiate est une réévaluation du niveau des taux d’intérêt et notamment sur le 10 ans américain. Au moment de la rédaction de cet article, nous sommes passés de 3,95% à 4,18% en 3 jours. Techniquement, graphiquement, nous revenons sur les plus hauts du mois d’octobre de l’année passée. Ainsi, vu le niveau d’inflation totalement différent à l’heure actuelle, nous sommes bien face à un problème de confiance dans la dette américaine et c’est peut-être ça qu’il faut retenir de la situation. Attention Mesdames Messieurs les Américains, vous jouez avec le feu.
Le taux 10 ans US
Conséquence immédiate, nous pouvons déjà parier sur l’intervention plus ou moins rapide de la Banque Centrale Américaine. En effet, Jérôme Powell ne peut pas laisser partir les taux américains vers des sommets tant le risque pour la stabilité de l’économie américaine est en jeu. Je vous dirai même plus que, du côté des marchés financiers, il est essentiel qu’il y ait une intervention mesurée mais ferme de la FED. Je peux déjà vous dire que ce sera le sujet principal de la traditionnelle réunion de la FED de la fin août à Jackson Hole. (L’autre sujet principal sera certainement, mais ils ne le diront pas, les décisions prises par les BRICS lors de cette même fin août 2023.) Plusieurs possibilités s’offrent au Grand Argentier américain… La première est de stopper le “quantitative tightening” actuel (la réduction du bilan de la FED) voire la mise en place d’un nouveau quantitative easing (une nouvelle augmentation du bilan de la FED). Pour être simple pour les novices: relancer la planche à billet vert… Difficile vu la vigueur de l’activité du pays. La seconde serait de prendre des décisions pour affaiblir le niveau du dollar américain. Il est fort à parier que c’est par là que la Fed commencera vu que c’est sur cet axe qu’il est le plus simple d’agir sans trop de conséquences pour l’économie américaine. Le troisième cas qui me semble le plus improbable est le démarrage d’achats d’actions américaines par le biais d’ETF ou directement sur le marché. Une dernière option pour calmer le jeu serait tout simplement que l’économie se calme beaucoup plus qu’elle ne le fait actuellement. Une bonne crise immobilière pourrait suffire, croyez moi. Mais, comme cela fait déjà plusieurs mois que la Fed n’y arrive pas, je me demande si elle y arrivera un jour.
Une autre conséquence, ou plutôt la suite de l’histoire, s’écrira auprès des autres agences de notation. Il est important de noter que Moody’s est actuellement la seule agence majeure à maintenir la notation « triple A » pour la dette américaine, tandis que S&P avait dégradé la notation à « AA+ » dès 2011. Mais ne vous inquiétez pas le mouvement est en cours et je ne me pose même pas la question de savoir si Moody’s et S&P vont dégrader leur notation de cette même dette américaine. La question n’est pas de savoir si ils vont faire mais quand ils le feront. Prenez note, on en reparlera dans quelques mois. je parie que ce sera un sujet de premier ordre pour les élections de l’an prochain aux US.
Dans le cas où cette tentative serait infructueuse, c’est le marché des actions qui en subira les premières conséquences. Et la première classe d’actif, qui sera impactée sera la classe des actions “croissance”; en bref le Nasdaq et l’ensemble des grandes capitalisations de cet indice. Ne croyez pas que le continent européen ne sera pas concerné, on voit déjà les taux des pays européens prendre le même chemin que les États-Unis. On a commencé à voir les actions se retourner depuis deux ou trois jours. Il n’y aura aucune surprise à voir ce mouvement s’amplifier si les mesures musclées ne sont pas prises rapidement par les autorités monétaires.