La crise inflationniste s’invite de nouveau dans le débat économique. Pourtant, sa régularité historique mérite d’être soulignée. L’inflation a des impacts réels et presque déterminés envers les marchés financiers. On se propose dans cet article de comprendre comment les projections d’inflation peuvent nous permettre de projeter l’évolution des marchés financiers.
Les stagflations se répètent !
Dans nos précédentes publications, nous avons discuté de l’existence du cycle de Kondratiev dans la dynamique économique. Ce cycle dure entre 48 ans et 60 ans, et se compose d’une phase ascendante de 25 à 30 ans et d’une phase descendante similaire. Le cycle de Kondratiev s’observe notamment sur le niveau des prix, la croissance, le taux d’intérêt, etc… Il se décompose en 4 rythmes de croissance (de 12 à 15 ans chacun). Le rythme de croissance qui nous intéresse ici est celui en fin de la phase ascendante : celui de la stagflation (dans lequel les guerres et les révolutions sont aussi les plus fréquentes).
Durant les périodes de stagflation, l’économie entre dans un arbitrage inflation/croissance. La hausse des prix n’est pas compatible avec la croissance. Plus souvent donc, les marchés financiers montrent des phases baissières. A long terme, les marchés financiers dessinent une stagnation.
Le graphique ci-dessous montre le cours du Dow Jones entre 1915 et 1925 (multiplié par 10 pour conserver l’échelle), et le cours du Dow Jones entre 1967 et 1977. Ces périodes ne sont pas choisies au hasard puisque elles sont espacées de 52 ans, soit un cycle de Kondratiev. Ainsi, on observe que les mêmes périodes du cycle économique montrent une symétrie parfaite des cours sur les marchés financiers. L’évolution du Dow Jones entre 1915 et 1925 et 1967 et 1977 est quasiment identique.
Enfin, on remarquera que les périodes de stagnation des marchés financiers en raison de périodes de stagflation durent une dizaine d’années. Par ailleurs, on remarque que l’évolution du Dow Jones aux dates citées montre l’existence de trois cycles de Kitchin parfaitement dessinés.
Où sommes-nous ?
Nous avons vu que la temporalité des marchés face à l’inflation était très précise. Et que par conséquent, durant les périodes d’inflation et d’instabilité de la croissance, les marchés réagissent en grandes vagues plutôt qu’à travers une tendance haussière ou baissière marquée.
Deux hypothèses peuvent être soutenues ici. La première consiste à dire que nous sommes au début d’une très longue période inflationniste. Par conséquent, nous serions plutôt par symétrie proches des dates équivalentes à 1967. Dans l’autre cas, nous serions plus proches de 1973 ou 1974, si l’inflation maximale est plus typique des années actuelles.
En toute logique, si le cycle de Kondratiev est de nouveau de 52 à 56 ans, alors 2019 à 2023 serait le commencement de la prochaine phase inflationniste (1967 + 52 = 2019). On a donc représenté le Dow Jones depuis 2019 (en rouge), et l’évolution du Dow Jones entre 1962 et 1980. On voit que deux périodes peuvent correspondre à un symétrique avec l’évolution actuelle du Dow Jones : 1967 ou potentiellement 1973.
En ce sens, si l’inflation actuelle venait à être plus ou moins durable, alors il est probable que le Dow Jones stagne durablement entre 30 000 et 35 000 points, et plus largement entre 25 000 points et 35 000 points au cours de la décennie. Mais cela dépendra une fois de plus du taux d’intérêt réel et de la capacité des banques centrales à maintenir des politiques suffisamment rigoureuses. En outre, il se pourrait qu’on assite à une continuité du rebond pour le Dow Jones vers de nouveaux sommets autour de 2025, ou, à l’inverse, vers une chute plus importante comme dans le cas de 1973/1974.
Dans ce cadre, le premier scénario paraît plus cohérent si l’on estime que le risque de récession est plus grand autour de 2025/2026.
En bref
Nous avons que l’économie réagit par cycles longs. Ces cycles se traduisent par des rythmes de croissance réguliers et déterminés. En général, les périodes de stagflation se traduisent par une stagnation des marchés financiers. La conjoncture économique est plus instable. Tandis que les hausses de taux réduisent l’attractivité des actions à court terme, les récessions réduisent les perspectives à long terme.
Ces périodes de stagflation sont bien identifiées dans l’histoire du Dow Jones. La période de 1915 à 1925, tout comme 1967 à 1977, montrent de fortes similitudes. La période récente (depuis 2019) est assimilable à l’entrée dans un cycle boursier de stagflation. Et bien que des divergences puissent évidemment se dessiner, les opérateurs doivent certainement s’attendre à ce que les performances boursières de cette décennie soit en dessus de la précédente.
Enfin, la période moyenne entre deux récessions depuis 1949 aux Etats-Unis est de 6,6 ans. Soit deux cycles de Kitchin. On souligne ici le rôle central des cycles de Kitchin dans la dynamique économique et financière. La prochaine récession est légitimement à attendre autour de 2025 à 2026, elle peut évidemment survenir avant. En outre, cela confirmerait les anticipations des banques centrales sur l’inflation à cette date mais encore la rythmique historique.