Quand j’ai eu l’idée de cet article, je pensais faire une présentation longue et précise de BYD, une entreprise chinoise sur laquelle je vais revenir. Mais finalement l’esprit de cet article sera plutôt de comparer l’entreprise chinoise à Tesla afin de vous donner une idée de ce dans quoi vous pourriez investir dans le monde des véhicules électriques dans les prochaines années. La réponse que vous allez découvrir à la fin de ce propos est assez surprenante mais je ne vous en dis pas plus: place à la présentation du géant chinois.
A l’origine, BYD, “Buid Your Dream” était un fabricant de batteries basé à Shenzhen, dans le Guangdong, en Chine. L’entreprise s’est alors diversifiée dans l’automobile en 2003, lorsque BYD Company racheta la Tsinchuan Automobile Company, alors au bord de la faillite. En 2010, BYD est devenue la quatrième marque automobile chinoise par le nombre de véhicules vendus. En 2022, c’est la première marque automobile chinoise de véhicules électriques avec 911 000 véhicules 100% électriques vendus (1,86 millions en ajoutant la gamme des véhicules hybrides rechargeables.). Nous n’avons donc pas à faire à un petit producteur local mais à un très grand fabricant mondial de voitures électriques.
BYD se différencie de ses concurrents par la stratégie de son dirigeant, Wang Chuanfu, en favorisant au maximum l’intégration verticale qui, pour lui, est un avantage concurrentiel important (maîtrise de la qualité…). Ainsi, cette conception très long termiste a été illustrée en 2010 par une prise de participation de 18 % dans la plus grande mine de lithium19 de Chine, Zhabuye Lithium.
Par ailleurs, BYD a une stratégie mondiale. Vous allez bientôt en entendre parler partout. La chinoise va devenir, dans les mois qui viennent, l’une des marques les plus importantes pour concurrencer Tesla ainsi que tous les modèles européens. Le conglomérat est en train de préparer son invasion européenne avec une gamme particulièrement attrayante. Le service marketing est aussi très performant puisqu’il vient d’annoncer la création d’un modèle à moins de 10000€: totalement impressionnant quand on sait que le modèle le moins cher en Europe, à l’heure actuelle, est la Dacia Spring du groupe Renault avec un tarif minimum supérieur à 20000€. En bref, BYD, c’est du sérieux.
Il est vrai que Tesla vend plus de véhicules aujourd’hui que l’entreprise chinoise. Certes les chiffres de l’américain sont impressionnants, et il est tout à penser qu’ils le resteront. D’un autre côté, il est évident que l’on ne pouvait pas avoir, dans le secteur des véhicules électriques, une surdomination d’une seule marque américaine même si on a déjà vu le cas dans bien des domaines sur bien des sujets. Le monde change et l’Empire du Milieu est devenu le challenger de l’hégémonie américaine dans beaucoup de secteurs. Celui du véhicule électrique n’y échappera pas.
Comme trop souvent, on ne voit aucun européen sortir du lot. Mais que voulez-vous? La malchance est parfois un des éléments incontrôlables des grandes orientations économiques même au niveau d’un continent. En son temps, Renault, lorsque Carlos Ghosn était à sa tête, avait une longueur d’avance évidente dans ce secteur. Mais voilà, le patron emblématique de la marque au losange s’est vu arrêté dans des conditions rocambolesques au Japon en 2018. Depuis, la marque, sans gouvernail, a stoppé tous ses développements sur l’électrique. Plus de patron, plus de sens… L’avance est devenue un retard. Il n’a pas fallu longtemps pour que le vide soit comblé par d’autres… Qui va à la chasse perd sa place! Mais il est vrai que ça bouge enfin sur le vieux continent. Volkswagen a fait un virage absolument exceptionnel dans le domaine mais avec un temps de retard qui lui coûte une fortune. Tous les constructeurs européens bougent maintenant, avec 10 ans de retard.
Voilà pourquoi le marché européen est livré aux 2 ogres économiques du monde. Tesla a une longueur d’avance assez évidente sur ce marché. Mais BYD va attaquer très fort dans les mois qui viennent car le marché à venir sur l’Europe est gigantesque vu la décision du continent d’éradiquer les moteurs thermiques à un horizon finalement assez proche de nous. Dans à peine 10 ans, nous y serons.
Ainsi la question est de savoir si, dans votre portefeuille d’investissement long terme, il est préférable d’acheter l’entreprise chinoise qui est côté à la Bourse de Hong Kong ou le leader américain coté à New York sur le Nasdaq. Creusons les deux dossiers.
Tout d’abord la capitalisation boursière de la marque américaine est à peu près 5 fois supérieure à celle de l’entreprise chinoise pendant que l’écart de chiffre d’affaires entre les deux entreprises est assez faible. BYD vend à peu près 25% de véhicules en moins que Tesla. Toutefois, il faut accepter l’idée que la marque américaine est beaucoup plus rentable avec des taux de marge largement supérieur à 10% quand la marque asiatique n’arrive pas encore à dépasser les 5%. Ainsi le ratio économique très apprécié des analystes, le PER, donne un écart substantiel entre les deux marques. Le PER de Tesla est approximativement le double de celui de BYD. Elle vaut plus cher parce qu’elle gagne plus d’argent. C’est tout simple mais ça marche.
C’est alors que vous me direz que je n’ai pas vraiment donné mon opinion. Certes. Mais ce qui est important dans le choix que vous devez faire en terme d’investissement ne concerne pas la situation actuelle ou la situation passée. Les deux entreprises sont costaudes, vendent un produit fortement demandé, avec une stratégie qui me semble cohérente dans les deux cas. L’important est de voir l’avenir et d’essayer de détecter quelle est l’entreprise qui a encore du potentiel BOURSIER.
Toute ressemblance n’est que fortuite!
Regardons donc l’avenir. On reste indécis si on ne regarde que le chiffre d’affaires et le développement de chacune des marques. Elles estiment réussir un doublement de leur vente d’ici 2025. Donc, ce n’est pas là où nous allons trouver un écart substantiel qui nous permettrait de faire un arbitrage certain. En ce qui concerne le bénéfice, c’est tout à fait différent. BYD annonce une progression de bénéfice très supérieure à la société chère à Elon Musk, dans les 3 ans qui viennent. À vrai dire, c’est du côté de Tesla qu’il y a un problème: il semble que la marge du groupe soit arrivée à un plafond certes élevé mais un plafond de verre visiblement difficile à passer. Du côté chinois, les marges sont prévues en augmentation, certes modérées mais augmentation tout de même. Alors selon une méthode de valorisation un peu plus poussée qui concerne les valeurs de croissances, le potentiel de revalorisation de cours semble plutôt se trouver du côté de la chinoise que de l’américaine.
Mais, quand on s’intéresse un peu plus aux chiffres et au business model de chacune des entreprises, je vous avoue que l’on peut rester très douteux quant à un arbitrage de ce type. En effet, il est toujours important de regarder l’ambition qu’a une entreprise, et l’évaluation qu’en font les analystes. Mais il est essentiel de se faire son propre avis avec des éléments factuels sans avoir été influencé. Tout d’abord, il semble que la gamme chinoise soit beaucoup plus large que celle de l’Américain. Ainsi, les coups de structure associés à une gamme plus large ne sont pas à l’avantage de l’asiatique qui, par dessus le marché, n’est pas un “pure player” de l’électrique puisqu’il fait aussi de l’hybride rechargeable; donc 2 typologies de motorisation et des surcoûts à tous les étages. Du côté américain, c’est beaucoup plus court, nous sommes face à un véritable “Pure Player”.
Par ailleurs, Tesla a déjà fait ses gros investissements mondiaux puisque l’usine chinoise fonctionne déjà et que l’usine européenne est en passe de démarrer. Sauf erreur de ma part, ce n’est pas le cas de la marque chinoise. De plus, BYD annonce des CAPEX futurs (des investissements) très faiblement supérieurs à l’Américain. Pas d’ambition de s’implanter industriellement sur un autre continent. Tout viendra de Chine. Pour moi, c’est un talon d’Achille évident, car le marché américain sera fortement bloquant pour cette marque sur ce sujet-là. Et ce n’est pas dit que les Européens ne s’y mettent pas aussi. De plus, à côté de ce risque de barrière douanière, il apparaît un surcoût structurel qui n’est pas aussi présent chez Tesla: le coût du transport. Un nouveau point pour les Américains.
Pour finir cette petite analyse, je voudrais insister sur un dernier sujet qui me paraît important pour ne pas croire que les Chinois vont gagner la partie aussi facilement. Tesla a une longueur d’avance sur l’image de ses produits. En Europe, on en voit partout, la satisfaction client est au rendez-vous. Et puis, il faut quand même bien avouer que l’image d’une Tesla est quand même beaucoup plus valorisante que d’avoir une chinoise entre les mains. Les constructeurs coréens et japonais en savent quelque chose, ils ont mis une voire 2 générations pour casser les tabous. Un surcoût évident, là aussi, sur le marketing et le réseau de distribution risque de ne pas permettre à BYD de rattraper Tesla en quelques années, car Tesla vend par le biais d’internet. BYD devra exposer ses modèles.
Alors quelle conclusion tirer de cette analyse fondamentale sur les deux titres? D’un côté, nous avons des chiffres qui parlent pour le géant chinois. D’un autre, on voit bien que l’Américain a un business-model beaucoup plus établi et résistant. La réponse va être surprenante mais elle a le mérite d’être simple. Elle m’est apparue la semaine passée grâce à une nouvelle venant du constructeur chinois. En annonçant sa capacité à produire une voiture au prix de 10000€, BYD m’a convaincu que le secteur automobile électrique va faire l’objet d’une guerre de part de marché dans les années à venir. Ce sera bien sûr au bénéfice du consommateur. Mais pour ce qui est de l’évolution des marges de ces entreprises, je deviens perplexe. Finalement, je me dis qu’à moyen terme les constructeurs automobiles vont tomber dans les mêmes travers que leurs homologues du “thermique”. La raison est simple: ils ont des coups de structure qui restent très importants et qui leur imposent d’avoir des volumes de vente minimaux afin de survivre. On appelle cela le point mort, et il est très élevé dans ces secteurs très capitalistiques.
Mon choix est donc sans appel: ni l’un ni l’autre. “Oui mais moi, je veux acheter dans le domaine de la voiture électrique. Comment je fais?” Je vais avoir une réponse qui revient souvent dans le monde de la Bourse. Il est préférable d’acheter les équipementiers que les fabricants. Il se trouve que, dans le domaine de l’équipement des voitures électriques, il existe un chantier gigantesque qui me semble encore loin d’être abouti: les systèmes de recharge des voitures. Ainsi, je vous invite à vous intéresser à des titres beaucoup plus petits mais qui peuvent être très intéressants. Vous profiterez de l’expansion du marché de la voiture électrique sans en subir les inconvénients. Ainsi, je vous laisse quelques noms à étudier dans ce domaine. Hélas, comme bien souvent, il n’y a pas de valeur française qui me semble intéressante. Il faut aller un peu plus loin en Europe. Petite parenthèse: je rappelle que ce ne sont pas des conseils d’achat ou de vente mais juste un avis. Ainsi, vous pouvez vous intéresser à un dossier finlandais qui s’appelle Kempower, un dossier néerlandais qui s’appelle FastNed, ou encore une société norvégienne du nom de Zaptec. L’ensemble de ces dossiers est parfaitement admissible dans votre PEA. Bon investissement à tous.