+76 %… C’est la performance du Dow Jones depuis le point bas de mars 2020. Alors que l’indice a triplé depuis 2010, le contexte monétaire actuel semble dessiner les mêmes mécanismes qui ont contribué à l’apparition du krach d’octobre 1987. Bien que l’abondance de liquidités d’ici à 2024 devrait se confirmer, des mécanismes de rupture de liquidités à moyen terme pourraient persister.
1987, un krach éclair.
Le 19 octobre 1987, le Dow Jones perd plus de 22% en une séance. Le krach éclair de 1987 est avant tout le résultat d’un mécanisme de réajustement monétaire. En effet, l’indice américain avait triplé sur les 10 dernières années. Un des éléments déclencheur a été la mise en place des Accords du Plaza en 1985 afin de faire chuter le dollar, considéré alors comme surévalué (réduire l’excédent commercial du Japon, augmenter la balance des États-Unis). Le dollar a chuté jusqu’à 50% en deux ans face au Yen.
Le Japon et les autres pays occidentaux subissent inévitablement cette politique, puisqu’étant détenteurs d’actifs et vendeurs de produits envers les États-Unis. Cela provoque le retrait et la défiance des pays occidentaux. Malgré la diminution des injections de liquidités en février 1987, la dynamique continue inexorablement. Entre janvier et septembre 1987, le taux des obligations fédérales à 10 ans passe de 7% à 9,5%.
En octobre 1987, l’annonce d’un important déficit commercial et la remontée des taux de la Bundesbank traduisent une rupture de liquidités, inévitablement amplifiée par le retrait des avoirs étrangers. Le krach obligataire se répand mécaniquement aux actions par effet de chaîne.
Des signaux similaires ?
Divers éléments tendent à conforter l’hypothèse d’un trou temporaire de liquidités à moyen terme. L’indicateur ci-dessous a été développé à partir de mon approche statistique (voir www.andrieuthomas.com). Cet indicateur « CVI » reprend les 15 dernières variations mensuelles cumulées. En clair, il représente la force statistique de retournement haussier ou baissier. On observe ainsi que :
- Les variations cumulées du Dow Jones sur les 15 derniers mois sont nettement positives et arrivent sur des niveaux historiques.
- À partir de 1983, l’indicateur CVI a fortement chuté pour se poser sur la ligne des 0% en 1985. De même, l’indicateur a fortement chuté à partir de 2018 pour se poser sur la ligne des 0% en 2020. S’en suit un très fort rebond, historique dans les deux cas, mais plus rapide en 2020 et 2021 qu’en 1986 et 1987.
- En 1987, l’indicateur atteint le niveau des 48, soit 1 point en dessous du signal de krach de l’indicateur en 1929. En juin 2021, le niveau de l’indicateur est de 47,5.
Cet indicateur est particulièrement fiable dans le temps. Même le krach du 19 octobre 1987 (-29,2%) était parfaitement prévisible quand l’indicateur a touché un sommet majeur en février 1987. L’approche probabiliste simple estimait à l’époque à la probabilité d’un tel krach[1]. L’indicateur de variations cumulées montrait clairement des signaux correctifs puissants depuis le début d’année 1987. Ce qui, comme en 1929, était un signal d’un krach violent pour les prochains mois. En 1929, l’indicateur a touché le niveau des 49, et en 1987, il a atteint le niveau des 48. Dans les deux cas, ce fut 9 mois avant le krach. L’indicateur à 15 mois a atteint d’autres sommets majeurs, comme en août 1971, février 1976, août 1983, février 1987, décembre 1989, novembre 1999, novembre 2003, octobre 2007, janvier 2018, etc… Autant de signaux qui ont précédé tous les points majeurs du marché.
Les signaux sont également fiables pour les points bas, et permettent réellement d’indiquer le potentiel de hausse. Ainsi, l’indicateur à 15 mois était en baisse depuis 2018, ce qui traduisait un affaiblissement haussier du Dow Jones. L’indicateur a ensuite touché un point bas majeur (ligne neutre) en mars 2020, ce qui laissait présager statistiquement un grand rebond, du même type que celui de 2016.
En définitive, les mêmes signaux semblent se détacher et un trou de liquidités pourrait se manifester à moyen terme. L’indicateur atteint des niveaux élevés et peut retranscrire un risque de fort réajustement entre l’été et particulièrement mars 2022. Le même schéma que 1987 semble persister : fortes injections de liquidités, chute de l’indice dollar, reprises inflationnistes et menaces des taux, etc… Ainsi, les mouvements à venir de la part des banques centrales, c’est-à-dire de diminution forte des rachats actuels, devraient encourager un processus de rupture de liquidités à moyen terme. Néanmoins, contrairement à 1987, les liquidités disponibles à long terme restent très conséquentes, ce qui limite partiellement l’intensité des risques.
[1] The (MIS) behaviour of markets, Benoit Mandelbrot.