Bonjour à tous, la saison des bilans 2022 va bientôt commencer et il me vient subitement l’idée d’ouvrir le bal. Trouver un titre à cette année incroyable est un exercice périlleux, mais la peur n’excluant pas le danger, je tente ma chance… “2022, LE KRACH DE L’INFLATION PROVISOIRE.” Un peu sarcastique effectivement, mais expliquons-nous un peu plus longuement sur le sujet.
2022 aura été l’année des valeurs « croissance ». Certes, mais pas dans le sens que l’on aurait apprécié. Le NASDAQ100 (le célèbre indice américain des valeurs dites “tech”) exprime très bien les comportements de ce compartiment de la cote mondiale. En un mot, ce fut catastrophique. Le sommet historique de cet indice si prisé a été atteint le lundi 22 novembre 2021 avec une touchette à 16764,90 points. Eh ouiiii, c’était il y a pile un an… Bon anniversaire, monsieur le BEAR MARKET sur les valeurs “croissance”!!! Plus tard, il y a peu, nous avons touché les 10440,60 points le 13 octobre 2022 soit une perte de 37,72% entre ces 2 extrêmes. Je vous avoue ne pas avoir envie de fêter la deuxième bougie, fin 2023, de ce bear market . Mais sait-on jamais! Et il me semble être de bon ton de conserver toute sa méfiance (modérée) quant à l’année prochaine.
Les raisons de cette année particulièrement noire sont finalement assez simples. On retrouve leurs racines du mal dès la rentrée 2021. L’inflation venait d’accélérer “provisoirement” (lol) en octobre 2021. L’association de la folle augmentation de la masse monétaire (trop peu provisoire) et du confinement de l’offre de produits/services (trop peu provisoire, lui aussi!) avait eu raison de plusieurs décennies d’une désinflation insolente. Désinflation dont le moteur principal avait été la mondialisation à outrance des productions et des économies. La théorie génialement simple de David RICARDO (le célèbre économiste anglais, et non pas votre humble serviteur!) sur les avantages comparatifs venait de trouver un obstacle de choix sur le chemin sans encombre de son déploiement exagéré: un virus et tout ce qu’il provoqua. Ricardo, au cachot!!! Les populations aussi, par la même occasion.
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Ainsi, ce phénomène inflationniste d’envergure, et inconnu pour les moins de 50 ans, provoqua mécaniquement une hausse des taux d’intérêt partout dans le monde. Ce fut d’autant plus violent que nous partions de bas, de très bas, de trop bas! Souvenez-vous des taux à 10 ans négatifs ou proches de zéro un peu partout dans le monde. Je vous épargne ce que je pense de l’inaction coupable des FED et BCE jusqu’à cet été, quant à cette évidence macro-économique soit-disant provisoire. Rappelez-vous de ces taux directeurs encore à zéro en ce début juin 2022.
Sur les marchés financiers et notamment sur les actions d’entreprises, ce choc inflationniste annonciateur de la remontée des taux d’intérêt donna lieu à des calculs de revalorisation. Il fallait acter cette nouvelle donne économique, et notamment, dans le compartiment “croissance” (ou “growth” pour les anglophones). Plus rien ne pouvait s’opposer aux mouvements baissiers de cette année. Le ver était dans la pomme… Les marchés, encore une fois, allaient avoir raison et Powell tort.
Mais que sont ces calculs de revalorisation? Ils consistent à “pricer” le cash flow futur créé par l’entreprise. En bon français, on cherche à donner un prix, une valeur aux futures entrées d’argent de l’entreprise. Dans les écoles de comptabilité, on appelle ce calcul mathématique: l’actualisation. Voici sa formule barbare: V(0) = V(n) / (1 + i)^n. Et sincèrement, aucun intérêt à la retenir. Les valeurs de croissance peuvent avoir énormément de cash flow futur donc un valorisation à leur hauteur, et par voie de fait un grande sensibilité à l’actualisation. On applique donc un taux d’actualisation (fortement corrélé aux taux d’intérêt et aux taux d’inflation) qui permet de prendre en compte la véritable valeur de ce cash flow futur selon l’érosion du temps, selon l’érosion monétaire future. Plus ce taux est élevé, plus l’érosion du cash flow futur est importante.
Pour être simple, s’il n’y a aucune inflation, l’argent de demain vaudra la même chose qu’aujourd’hui: actualisation faible voir inexistante. S’il y a de l’inflation, l’argent de demain vaudra moins que celui d’aujourd’hui: actualisation forte. L’argent de demain avec des taux d’inflation très faibles valait beaucoup jusqu’à fin 2021. Avec l’inflation soudaine et violente de fin 2021 et 2022, tous les calculs ont revu les valorisations très fortement à la baisse…Ainsi, vous devinez l’impact sur les cours de bourse de nos chères entreprises à croissance rapide. Toutes ces valeurs “growth” sont devenues trop chères, la chute des cours était donc inéluctable. Pour moi, 2022 sera l’année du KRACH DE L’INFLATION PROVISOIRE. Mais pour être moins sarcastique, on parlera plutôt du KRACH DES TAUX ZÉRO… D’ailleurs le compartiment obligataire s’en rappellera aussi très longtemps.
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Ainsi, le NASDAQ100 a pris une claque magistrale ces derniers mois. Aujourd’hui, on a “pricé” ce phénomène d’inflation et surtout de revalorisation. Le taux d’actualisation n’est certes pas encore favorable, mais il tend à ne plus être défavorable. Le 13 octobre 2022 fut un virage psychologique, le marché a trouvé un nouveau point d’équilibre… Équilibre fragile, je vous le concède.
Alors quelle sera la suite? me direz-vous. En un mot, la récession économique. Enfin, la récession? Celle que nous annoncent les économistes les plus chevronnés, les mêmes qui avaient parlé d’inflation provisoire en 2021. Vous devinez leur fiabilité. On en est pour le moment à supputer d’un soft ou hard-landing. Personne n’en sait rien, à vrai dire! Toutefois, j’avais promis à la rédaction de m’engager. Alors je m’engage à avoir tort! Car je pense de plus en plus à un tout autre cas: Et s’il n’y avait pas de “landing”??? Personne n’y pense. Mais, je vous le dis pour une très bonne raison, les chiffres de la première partie de 2022 étaient mauvais et récessifs, notamment aux US, et pas qu’un peu. Récession technique paraît-il. Tout le monde l’a oublié, sauf certains. De plus, les bulles spéculatives ont explosé quasiment partout à l’exception de l’immobilier, notamment aux US. Me voilà modérément optimiste pour le début 2023 après avoir été catastrophiste en janvier dernier de cette année. J’avoue être moins serein pour la seconde partie de 2023, mais il est bien trop tôt pour s’engager.
Pour les marchés, je vois plutôt la mise en place d’un marché d’attente… ce que j’ai appelé par ailleurs un “nothing market”. Ballotté entre la crainte récessive et l’accalmie relative sur les chiffres de l’inflation, je vois plutôt une neutralité qui saura nous dire le moment venu si l’on reprend la tendance baissière initiée en 2022. Une nouvelle valorisation des actifs risqués sera alors appliquée, non pas à cause du taux d’actualisation cette fois-ci, mais par la reconsidération de la croissance même de nos entreprises préférées.