Alors que la FED a annoncé faire une « pause » dans ses hausses de taux, la BCE poursuit sa politique de lutte contre l’inflation. Le taux directeur de la BCE s’établit désormais à 4 %. Emprunter va couter plus cher ! Mais le discours de la BCE se combine aussi avec le discours de la FED qui espère encore mener deux hausses de taux. L’objectif semble désormais clair dans un contexte où l’inflation structurelle (l’inflation hors matières premières et énergie) reste très forte. Décryptage de la politique sur les taux et des objectifs des autorités face à l’inflation.
L’inflation persiste et l’emploi reste fort
La réduction de l’inflation est la plus notable aux Etats-Unis. Elle s’établit désormais à 4 % sur mai, contre 4,9 % sur le mois précédent. Dans le même temps, l’emploi reste fort et le taux de chômage reste sur un plus bas majeur à 3,7 %. L’économie connaît donc une réduction de l’inflation combinée à un faible chômage, et même une accélération de l’activité sur les derniers trimestres. Le graphique ci-dessous rappelle que le premier et deuxième trimestres 2022 ont marqué une « récession » avec une réduction du PIB. Mais depuis mi-2022, la croissance américaine se maintient, ce qui permet à la FED de mener une politique monétaire plus agressive.
En zone euro, la récession est actée depuis le premier trimestre 2023. Mais cette dernière reste minime (-0,1 %). On pourrait donc assister à un phénomène de décalage, d’autant que la BCE anticipe une croissance économique d’ici la fin 2023. Néanmoins, il est très pertinent de noter que la récession en zone euro est induite par une consommation en baisse et des dépenses publiques réduites, mais à l’inverse on observe un accroissement de l’investissement et une amélioration de la situation extérieure.
Enfin, l’inflation en zone euro reste forte à 6,1 % sur un an. La conjoncture économique en zone reste globalement plus dégradée qu’aux Etats-Unis.
Le maintien d’une inflation sous-jacente
Si l’inflation se réduit effectivement, ce n’est peut-être pas durable…. En effet, lorsqu’on mesure l’inflation hors énergie et matière premières, cette dernière reste particulièrement élevée. L’inflation sous-jacente en zone euro s’établit ainsi à 5,3 % (dernier sommet à 5,7 %). Aux Etats-Unis, l’inflation sous-jacente s’établit également à 5,3 % (dernier sommet à 6,6 %). La situation est zone euro est d’autant plus inquiétante que a croissance des salaires s’ajoute à cette inflation sous-jacente. La croissance des salaires pourrait même bientôt dépasser la croissance des prix !
Par ailleurs, la FED a relevé ses prévisions pour l’inflation sous-jacente d’ici à décembre 2023 à 3,9 %, ainsi que sa prévision de croissance à 1 % d’ici fin 2023. Dans ces conditions, l’inflation resterait trop élevée et trop structurelle. Une action suffisante est donc envisagée.
Objectif taux réel nul ou positif !
S’il devient clair que la consommation et la demande de crédit des ménages se réduit, il n’en est pas de même pour les gouvernements et pour les entreprises. Alors que les déficits publics se maintiennent, la profitabilité des entreprises s’accroît. Par conséquent, la demande de crédit pour l’investissement privé et public ne faiblit pas. En effet, l’inflation a pour effet d’accroître les chiffres d’affaires mais aussi les recettes fiscales. Or les ménages ne bénéficient pas de cet effet inflation et leurs revenus sont plus difficilement indexés sur l’inflation.
Cela revient à écrire que la demande de crédit des entreprises et des gouvernements va se maintenir tant que le taux d’intérêt demeure inférieur au taux d’inflation (sous-jacent). En effet, les agents seront incités à s’endetter tant que les recettes progressent plus vite que le coût du capital. C’est pour cette raison que la FED en particulier a attendu de monter ses taux jusqu’à ce que l’inflation sous-jacente s’égalise avec le taux directeur. Le taux réel aux Etats-Unis est aujourd’hui presque nul.
Par extrapolation, la FED entrevoit une inflation sous-jacente à 3,9 % fin 2023. De même, le taux réel estimé qui permet de réduire suffisamment la demande de crédit est estimé entre 1 % et 2 %. Ce qui signifie que la FED pourrait encore monter son taux directeur autour de 5,5 %, soit encore deux hausses de taux comme espéré.En zone euro, il est probable que les objectifs soient similaires.
La BCE pourrait ainsi monter son taux directeur jusqu’à 5 % par exemple, sachant que la BCE possède plus de 6 mois de retard dans sa hausse de taux face aux Etats-Unis. Néanmoins la zone euro connaît une conjoncture économique plus dégradée, mais l’inflation plus forte et structurelle incite à des actions monétaires plus fortes et plus durables. Un taux réel positif assure une lutte préventive contre l’inflation !