Au cours des deux dernières décennies, la production d’électricité à partir de charbon aux États-Unis a connu une baisse significative, passant de plus de 50% de l’approvisionnement annuel en électricité à moins de 20% actuellement. La concurrence croissante du gaz naturel et l’amélioration de l’efficacité énergétique ont été les principales raisons de cette diminution. Toutefois, l’effondrement économique du charbon s’est accéléré ces derniers temps, en grande partie en raison de la chute rapide des prix de l’énergie propre et de politiques gouvernementales intelligentes sur le sol américain. Ces facteurs ont contribué à la fermeture de nombreuses centrales électriques à charbon aux États-Unis. Cette tendance semble inéluctable.
Ainsi, la centrale à charbon de Nord Valmy, située dans le Nevada, s’apprête à fermer ses portes après 40 ans de service lors de cette année 2023. La raison principale de cette fermeture est la hausse des coûts d’exploitation qui a considérablement réduit la rentabilité de l’usine. Elle sera la dernière centrale à charbon de l’État du Nevada qui s’est lui-même engagé à atteindre 50% d’énergie renouvelable d’ici 2030. C’est-à-dire demain.
Cette fermeture est susceptible d’améliorer la qualité de l’air dans la région et l’impact CO2 de l’État. Elle aura également un impact économique significatif sur les employés de l’usine et la communauté environnante du comté de Humboldt. Les dizaines d’employés de l’usine qui perdront leur emploi auront des difficultés à trouver un travail similaire dans la région. De plus, la fermeture de l’usine aura également un impact sur l’ensemble des sous-traitants locaux qui fournissent des biens et des services à l’usine et à ses employés. Nous voilà face à la fameuse destruction créatrice de Schumpeter et toutes les formes de résistances au changement qui l’accompagnent.
Mais le projet de remplacement est très ambitieux. Ainsi, le fournisseur d’électricité NV Energy a élaboré un plan ambitieux visant à remplacer la centrale à charbon par des installations solaires (+ stockage) d’ici 2025. Le projet permettra non seulement de garantir une transition économique propre et durable, mais également de créer des centaines d’emplois dans le secteur de la construction ainsi que des emplois « syndicaux » de remplacement pour les travailleurs affectés par la fermeture de l’usine. Bref, le monde change, il s’agit juste de s’adapter.
Selon les régions c’est l’éolien ou le solaire qui est le moins cher.
L’exemple de Nord Valmy n’est pas unique au pays de l’Oncle Sam, bien au contraire, car de nombreux autres cas similaires existent dans tout le pays. Des études menées par Energy Innovation Policy & Technology LLC® et l’Université de Californie à Berkeley montrent que l’adoption de la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) accélérera encore davantage la transition énergétique du pays. En effet, ces recherches ont révélé que 209 des 210 centrales à charbon existantes aux États-Unis ont atteint un stade où leur coût d’exploitation est désormais plus élevé que celui de leur remplacement par des sources d’énergie renouvelables telles que l’énergie éolienne ou solaire. Cette tendance à la baisse des coûts de l’énergie propre se poursuit, permettant ainsi aux États-Unis de poursuivre leur transition énergétique vers des sources d’énergie plus durables et rentables. Comme quoi le libre marché a du bon, aussi.
Les orientations du gouvernement fédéral accentuent ce phénomène. L’IRA (cette loi sur la réduction de l’inflation) offre de nouvelles opportunités de transition économique réfléchies pour les communautés dépendantes du charbon. La loi prévoit des crédits d’impôt supplémentaires pour encourager de nouveaux investissements propres dans ces mêmes communautés, offrant de nouveaux emplois et des recettes fiscales aux communautés, tout comme au Nevada. Ainsi, l’IRA facilite la transition du charbon vers le propre et la revitalisation rurale. Après avoir eu de grandes difficultés à saisir cette opportunité, il semble que les décideurs se lancent à corps perdu dans cette mutation énergétique. De manière pragmatique à défaut d’une grande conscience écologique, je vous le concède. Mais qu’importe le flacon tant que l’on a l’ivresse.
Eh oui, aux USA, le pragmatisme est de rigueur. Le rapport Energy Innovation® met à jour deux études comparant le coût de la poursuite de l’exploitation des centrales au charbon existantes aux États-Unis avec les nouveaux coûts des énergies renouvelables. Le premier rapport Coal Cost Crossover a révélé que 62% du charbon “made in USA” était devenu plus cher à exploiter qu’à remplacer par des énergies renouvelables, tandis que la deuxième itération a révélé que 72% étaient plus chers que les énergies renouvelables. Cette tendance s’accélère incontestablement et irrévocablement. Les ricains savent lire… ils ont lu. Mais cela va encore plus loin avec la mise à jour de l’étude incluant les crédits d’impôt IRA puisque 99 % des centrales au charbon américaines ne sont plus rentables par rapport aux nouvelles énergies renouvelables. Conclusion: le charbon est mort aux USA.
Des investissements colossaux sont à prévoir dans les prochaines années aux USA
Le transfert de la production d’énergie fossile vers les énergies renouvelables locales pourrait générer près de 600 milliards de dollars d’investissements à travers les États-Unis tout en faisant économiser de l’argent aux consommateurs. Le remplacement de la production de charbon par des ressources renouvelables locales financera l’installation d’environ 137 GW de stockage par batterie de quatre heures (soit environ 72 % de la puissance de l’ensemble du parc charbon). De plus, le remplacement local permettra la réutilisation des infrastructures de transmission partant des centrales à charbon en retraite sans avoir à prolonger de longues lignes électriques. Simple, efficace, pragmatique.
Deux autres programmes IRA (fraîchement votés) vont encore plus loin. Premièrement, la loi a créé un fonds de 9,7 milliards de dollars pour les coopératives électriques rurales afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Avec près de 18 GW de centrales exploitées par des coopératives, ce programme, s’il est utilisé à son plus grand potentiel, assurera la transition de près de 10 % du parc charbon. Deuxièmement, les nouvelles garanties de prêt IRA offrent à tous les propriétaires de centrales électriques un accès à des capitaux à faible coût pour réduire les émissions et réinvestir dans l’énergie propre via le bureau des programmes de prêts du ministère de l’Énergie. En bref, ça tape fort aux US et on ne va pas s’en plaindre.
L’administration fédérale a ainsi ouvert les portes à un brillant avenir pour les communautés de centrales au charbon, à l’avenir totalement inexistant. Remplacer ces usines signifie (maintenant) la création de dizaines de milliers d’emplois dans la construction, des milliers d’emplois à long terme dans l’économie propre, tout en réduisant de 60% les émissions de gaz à effet de serre américaines du secteur de l’électricité. Malgré les réticences de certains barons locaux, il est fort à penser que le changement est pour maintenant car ne l’oublions pas : un Américain reste un Américain. Le pragmatisme avant tout : celui de son portefeuille.
Voilà pourquoi l’investissement dans les industries structurantes de ce nouvel eldorado est une thématique d’investissement porteuse et pleine d’avenir. Il existe un grand nombre d’opérateurs et de fournisseurs dans le domaine, tant aux États-Unis qu’en Europe ou en Asie.
Mais en ce qui concerne notre continent, qui ne sera pas en reste pour aller chercher des parts de marché au nez et à la barbe de nos « amis » américains, il existe des entreprises cotées parfaitement adaptées aux enjeux qui se présentent dans cette mutation énergétique américaine. Et il se trouve que c’est en France que l’on trouve les plus belles entreprises concernées par cette nouvelle forme d’électrification.
Évidemment, il n’y a ici aucune forme de conseil d’achat ou de vente dans ce propos, mais il semble évident qu’il faille s’intéresser à une société comme LEGRAND, même si son exposition aux marchés américains est plus faible (environ 30%) que les noms que je vais vous donner par la suite. Ainsi, les 3 joyaux européens dans le domaine me semblent être SCHNEIDER ELECTRIC et REXEL pour la France. Je pense qu’ABB, le Suisse, est aussi un très sérieux candidat à la part de marché sur le sujet. Rexel est un énorme distributeur mondial avec près de 50% de son activité aux États-Unis. Les deux autres sont des incontournables de l’équipement électrique dans l’industrie lourde. Avec des capitalisations de quelques milliards à plusieurs dizaines de milliards d’euros, vous n’avez pas à faire à des entreprises naissantes, mais plutôt à des sociétés réputées et solides. Voilà une thématique d’investissement à laquelle il est intéressant de penser pour profiter de lois bien éloignées de nous, mais qui peuvent améliorer notre portefeuille à moyen ou long terme sans bouger de chez nous.
Nous aussi, nous savons être pragmatiques, n’est-ce pas?