C’est un principe bien connu de l’économie. La courbe de Laffer. Cela désigne le mécanisme par lequel toute nouvelle hausse d’impôt implique en réalité une contraction de l’activité, et par conséquent, une réduction des recettes fiscales. Il existe donc un « point de Laffer » à partir duquel l’Etat augmentera les impôts sans que cela augmente le montant de ses recettes fiscales.
Ce concept est extrêmement important à saisir. En France, les prélèvements obligatoires frôlent les 50% du PIB, alors que les services publics tendent à se dégrader. Cette situation de matraquage fiscal permanente avec des services publics détériorés serait donc un des symptômes de la courbe de Laffer. Décryptage statistique.
La courbe de Laffer et le débat sur sa fiabilité
Nous avons réuni sur une longue durée (1960-2021) dans le tableau ci-dessous des éléments révélateurs de la courbe de Laffer. On compare le taux de croissance du PIB (axe vertical) avec le taux de recettes publiques au PIB (axe horizontal). Il existe une relation décroissante explicite entre le niveau de prélèvement de l’économie et le niveau de croissance du PIB. De plus, on remarque que les récessions les plus violentes ont tendance à se produire lorsque les recettes publiques sont très élevées. Mais cette relation relève d’un autre débat.
Bien sûr, corrélation n’est pas détermination. Mais le fait qu’on observe cette relation dans de nombreux pays tend à démontrer qu’il y a au moins partiellement une forme de détermination (coefficient de détermination de plus de 40 % dans notre exemple). Il existe donc bien a priori une relation de Laffer dans la plupart des pays développés.
Mais la question advient de savoir si un nouvel accroissement des recettes publiques implique une récession. D’après la courbe de régression linéaire donnée ci-dessus, le point de Laffer pour la France serait donné autour de 55 % de recettes publiques au PIB. Mais en prenant en compte le fait qu’il existe une variabilité autour de relation croissance/prélèvements, on peut parfois admettre que le point de Laffer se situe autour de 42 % à 47 % de recettes au PIB. Ces données sont relatives à l’exemple de la France.
Les travaux sur la question
Ainsi, la courbe de Laffer peut sembler un concept abstrait, pourtant de nombreux travaux en économie démontrent son existence.
En 2009, le National Bureau of Economic Research a publié les Tavaux de deux économistes de Havard, Alberto Alesina et Silvia Ardagna. Le rapport conclu que :
« Les mesures de relance budgétaire basées sur des réductions d’impôts sont plus susceptibles d’augmenter la croissance que celles basées sur des augmentations de dépenses. »
Une autre étude publiée par Heritage Fundation en 2001 montre des conclusions similaires. En reprenant notre étude statistique, on peut déduire la forme approximative de la courbe de Laffer pour le cas de la France.Techniquement, on considère que la relation décroissante entre les recettes publiques au PIB et la croissance représente la dérivée de la courbe de Laffer.
On voit bien à travers ce graphique que tout prélèvement de l’économie au-delà de 55 % génère une diminution des recettes publiques. En d’autres termes, toute augmentation de prélèvement au-delà de ce seuil implique irrémédiablement la dégradation absolue (et non plus seulement relative) des services publics. L’Etat français est donc, pour le dire crument, dans un impasse fiscal.
En effet, le taux de prélèvement de l’économie s’élève en 2022 à 45,3 % du PIB. Il est évident qu’à ce seuil, toute augmentation de l’impôt provoquera une hausse marginale des recettes publiques relativement faible.
En conclusion
En bref, nous avons vu qu’il existe une relation décroissante entre le niveau de recettes publiques et le niveau de la croissance économique. Cela est important à souligner, car en général, les recettes publiques suivent positivement la croissance économique. Ainsi, la hausse des recettes publiques se suit depuis les années 1960 par la réduction de la croissance économique. Il existe donc a priori bel et bien une relation de Laffer. C’est-à-dire que toute nouvelle hausse de la fiscalité entraîne irrémédiablement une réduction de la croissance économique, et par suite, des recettes fiscales.
Dans tous les cas, on montrerait ainsi à long terme que toute hausse de la fiscalité entraine une hausse marginale des recettes plus faible, car la croissance se réduit. Mais il arrive aussi un point où la hausse de la fiscalité n’augmente pas moins vite les recettes, elle les diminue. Dès lors, toute relance économique de la part de l’Etat serait plus efficace en réduisant l’impôt qu’en augmentant les dépenses publiques. C’est notamment la conclusion de nombreux travaux comme ceux des économistes de Havard.
Enfin, dans le cas de la France, on peut établir à partir d’une large série de données une courbe de Laffer théorique. Elle montre qu’un taux de prélèvement de l’économie supérieur à 55 % du PIB induirait inévitablement une réduction des recettes publiques au sens de Laffer. Nous devons aussi garder à l’esprit qu’un taux de prélèvement de l’économie déjà supérieur à 40 % induit une hausse marginale des recettes relativement faible. Par conséquent, un tel taux de prélèvement fait ressortir de lourdes inefficiences des services publics, et in fine, de la trajectoire économique du pays.