Alors qu’elle venait de proclamer son indépendance vis-à-vis de l’Union soviétique, en août 1991, la Moldavie a dû faire face à la sécession de la Transnistrie (ou plutôt de la République Moldave du Dniestr), majoritairement russophone. Cette république auto-proclamée n’est reconnue que par elle-même vu que même la Russie, cousine de cœur, ne la reconnaît pas officiellement à la date d’aujourd’hui. Mais, n’étant pas à une aberration près, Moscou y stationne toujours une partie de son armée depuis 30 ans, après avoir soutenu le mouvement séparatiste.
Un accord, selon lequel les autorités moldaves acceptent de renoncer à tout rattachement à la Roumanie et de donner une large autonomie à la République Moldave du Dniestr, tient toujours depuis 1992. Oui, alors “accord”… disons que c’est plutôt un accord bafoué vu que la contrepartie devait être une “neutralité” militaire russe. Chaque démarche diplomatique moldave envers l’OTAN ou l’UE est systématiquement annihilée par les pressions de Moscou. Le dictionnaire russe doit avoir une autre définition que la nôtre concernant la notion de neutralité.
Toutefois, guerre d’Ukraine faisant, la Moldavie a fait un pas de plus vers l’adhésion à l’Union Européenne en se voyant accorder le statut de « pays candidat », en juin 2022. La petite république veut s’occidentaliser, je vous laisse deviner ce que Poutine en pense. Quelques semaines auparavant, un général russe avait d’ailleurs expliqué que le contrôle du sud de l’Ukraine permettrait de créer un « couloir vers la Transnistrie, où on observe également des cas d’oppression de la population russophone ». Quand je vous dis que Odessa est mal barrée, vous comprenez pourquoi maintenant.
C’est en ce début du mois de février 2023 que le ministre russe des Affaires étrangères, Segueï Lavrov, a fustigé la politique pro-européenne menée par Maia SANDU, la présidente moldave. Il l’a accusée d’avoir été élue en 2020 avec des méthodes loin d’être démocratiques, comme si les russes avaient un système électoral exemplaire. A vrai dire, elle avait surtout battu, assez largement, Igor DODON, le président sortant aux positions pro-russes. “Elle a la citoyenneté roumaine et elle est prête à unifier son pays avec la Roumanie” avait alors renchérit Lavrov. Dois-je vous rappeler que la Roumanie est un des membres de l’OTAN? Les russes ont bien vu le danger arrivé avec cette Maia SANDU, inconnue du grand public ocidental. Cette femme d’engagement affiche clairement ces opinions pro-occidentales et pro-roumaine. Elle a un CV à faire pâlir les 3/4 des fonctionnaires de Bruxelles. Sa réputation d’incorruptible n’est plus à démontrer. Sa présidence exprime clairement un recul de l’influence russe sur la Moldavie. Il n’en faudra pas beaucoup plus pour qu’elle devienne le pendant de Zelensky dans son pays.
Maia SANDU, présidente de la Moldavie.
Chisinau, la capitale de la Moldavie, envisagerait, selon Moscou, de renoncer à l’accord signé en 1992, ce qui pourrait susciter l’intervention militaire de la Russie. Lavrov, quant à lui, n’a même pas nié cette possibilité, affirmant que “la Moldavie est considérée” en répondant à un journaliste mâlin lui demandant quel autre pays pourrait connaître le même sort que l’Ukraine. Après une nouvelle violation de son espace aérien par un missile russe, la Moldavie a alors connu une crise politique, soldée par la nomination de Dorin Recean, un partisan de l’Union européenne, au poste de Premier ministre. Cependant, des mouvements de protestation, notamment un rassemblement pro-russe le 19 février dernier, ont émergé dans les rues de la capitale, suscitant des soupçons d’ingérence russe dans les affaires intérieures de la Moldavie. Le gouvernement moldave a ainsi accusé Moscou d’avoir l’intention de renverser le pouvoir en place, une accusation difficile à écarter, vu les propos russes tenus quelques jours auparavant.
Dorin Recean, premier ministre moldave.
“Le plan prévoit des attaques d’édifices étatiques et des prises d’otages par des saboteurs, au passé militaire, camouflés en civil”, a en effet détaillé la présidente moldave devant la presse, le 14 février. M. Recean a confirmé des propos tenus par Volodymyr Zelenski qui soupçonne Moscou d’envisager de prendre le contrôle de l’aéroport de Chisinau pour en faire une tête de pont pour ses troupes en vue d’ouvrir un front dans l’ouest de l’Ukraine. Recean estime aussi qu’il est « important de continuer nos efforts pour obtenir le retrait des troupes russes de cette région séparatiste.” Casus belli pour Moscou…
Ainsi, la tension est à son comble. Le 22 février, Poutine a abrogé un décret de 2012 qui reconnaît la souveraineté de la Moldavie sur la Transnistrie, pour « garantir les intérêts nationaux de la Russie dans le cadre des profonds changements qui se produisent dans les relations internationales ». Dans la foulée, le ministère russe de la Défense a accusé l’Ukraine d’envisager une « provocation armée contre la Transnistrie dans un proche avenir impliquant la formation nationaliste d’Azov ».
Vous l’avez deviné, la tension monte. Il y a quelques jours, le parlement moldave a condamné l’invasion russe en Ukraine. Les mots sont durs et sans équivoque: la Russie mène en Ukraine une guerre d’agression illégale, non provoquée et infondée qui viole les principes du droit international. La Moldavie a choisi son camp: la liberté et l’occident.
Ainsi, et je n’irai pas par 4 chemins, la Moldavie devient le centre d’attention prioritaire dans les cygnes noirs potentiels que le marché ne veut pas voir. Au mieux, un renversement du gouvernement par une action militaire du type “coup d’Etat” est à envisager dans un délai assez bref. La prise militaire de l’aéroport de Chisinau est clairement stratégique pour le scénario d’encerclement d’Odessa. D’un autre côté, il n’est pas à exclure une intervention ukrainienne pour contrer les velléités russes sur ce point stratégique. Une entrée en guerre des moldaves auprès des ukrainiens est aussi envisageable mais avec une probabilité faible vu l’opposition pro-russe au sein du pays.
Les marchés ne sont pas du tout près à voir ce scénario se réaliser partiellement ou totalement. Ainsi, dans le cas d’une agression russe de la Moldavie qui, finalement, ressemble trait pour trait à la situation de sa voisine ukrainienne, il faudra envisager un décrochage des marchés occidentaux motivé par des craintes, justifiées, d’une extension du conflit. La Moldavie étant un nain économique, il ne semble pas envisageable que les marchés s’effondrent. Mais l’impact psychologique pourrait amener les indices à décrocher d’une dizaine de pourcents voire un peu plus. C’est évidemment là que des points d’entrée à moyen-terme pourraient apparaître sur les graphiques des traders et investisseurs.
Il nous reste plus qu’à espérer que cela n’arrive pas. De nouvelles vies sont en jeu, là aussi. Mais vous devinez le scepticisme qui m’anime dans cet article.