Semaine macroéconomique intéressante sur deux points : le premier est l’inflation, le second est le niveau de croissance économique. Évidemment, et comme à notre habitude, ce sont bien les États-Unis qui mènent la danse. Mais vous verrez qu’une petite alerte commence à nous interpeller…
Ainsi, la semaine n’a vraiment débuté que mardi avec un chiffre très important : l’inflation américaine. Nous pouvons lire les chiffres de deux manières. La première est de considérer que l’inflation américaine continue de baisser. C’est ce que l’on appelle la désinflation. Ainsi, celle-ci est passée de 6,5 à 6,4 en données glissantes sur 12 mois. Mais, c’est une perception de chiffres bruts. Car, si on se met du côté du consensus, la déception est de taille puisque la baisse était envisagée à hauteur de 6,2 % sur 12 mois glissants. La conclusion est simple: l’inflation se résorbe lentement. Si on regarde le verre à moitié vide, on trouve que c’est trop lent. Si on regarde le verre à moitié plein, ça baisse.
À ce sujet, je trouve que la vérité est plutôt du côté du verre à moitié vide. En effet, le phénomène désinflationniste, vu le momentum de l’année précédente, aurait dû baisser beaucoup plus rapidement. C’est ce que le consensus pensait. Mon interprétation sur ce sujet tend de plus en plus vers l’idée que l’inflation ne diminuera pas autant qu’espéré. Je deviens de plus en plus convaincu que l’atterrissage de l’inflation ne sera pas autour de 2 ou 3 %, mais plutôt autour de 4 %, voire peut-être 5 %.
Alors, vous me direz : pourquoi s’intéresser au niveau futur de l’inflation ? Tout simplement, c’est ce qui guidera de manière structurelle les décisions de la Banque fédérale américaine quant à sa politique de taux d’intérêt pour les mois à venir. Ainsi, si les chiffres des IPC restent en diminution aussi lente, il est difficile de penser que les taux d’intérêt baisseront dans les mois à venir. Je vois de plus en plus de propos tenus sur l’idée que les taux américains ne baisseront pas cette année, et j’en suis convaincu depuis longtemps. La question est maintenant de savoir où est-ce qu’ils vont s’arrêter. Il semble que l’on soit proche de la fin, mais je ne m’aventurerai pas sur le niveau maximum de taux d’intérêt que la FED décidera.
En Europe, l’histoire n’est pas la même. Déjà, le niveau de l’inflation est beaucoup plus élevé. D’un autre côté, les taux d’intérêt de la BCE sont bien en retard par rapport à ce que l’on voit aux États-Unis. Il y a clairement un décalage de timing entre ces deux zones économiques. Ainsi, une augmentation des taux jusqu’à cet été du côté européen est une option tout à fait envisageable. Soit dit en passant, je vois donc une remontée structurelle de l’euro. 2022 a été le Bull Run du dollar, 2023 pourrait bien être celui de l’euro (Pour les connaisseurs, je parle bien sûr des valorisations « index » de ces monnaies, c’est-à-dire leur valeur par rapport à un panier de monnaies et non pas leur valeur par rapport à une monnaie particulière).
Mais continuons concernant les statistiques américaines de la semaine. Mercredi, ce sont les ventes au détail du côté de l’Oncle Sam qui se sont avérées particulièrement positives. Il y a beaucoup de commentaires très positifs sur ce chiffre, mais je n’oublie pas que le mois précédent a été négatif dû à la semaine de Blizzard la plus impressionnante qu’il y ait eu depuis des décennies aux États-Unis. Ainsi, j’ai une interprétation plutôt modérée sur ce chiffre qui, pour moi, n’est qu’un rattrapage de décembre plutôt qu’une véritable accélération de la consommation américaine. Il faudra attendre les chiffres de février à la mi-mars pour confirmer ma petite thèse. Toutefois, les chiffres sont bons et n’annoncent en aucun cas une chute de la consommation américaine. Bref, et comme je le dis depuis longtemps, where is the crisis???
Eh bien, elle est peut-être en train de se matérialiser lentement. L’indice de la Réserve fédérale de Philadelphie a été particulièrement négatif sur le secteur manufacturier. Il évalue le niveau relatif des conditions générales d’activité des entreprises en compilant des données à partir d’un sondage effectué auprès d’environ 250 responsables du secteur manufacturier dans le district de la Réserve fédérale de Philadelphie. Et le chiffre de février est carrément mauvais. Alors, après avoir étudié un peu plus près le momentum sur cet indicateur, je ne peux pas dire que ce soit la grande panique non plus. J’ose espérer que ce sont les contrecoups de ce fameux blizzard. Toutefois, il sera intéressant de regarder ce chiffre dans les mois à venir car il est assez précurseur de la tendance américaine sur le secteur manufacturier.
Ainsi, pour résumer cette semaine, nous avons été ballottés toujours et encore par les niveaux d’inflation et le niveau de croissance économique des États-Unis. Même s’il est vrai que, dans cette chronique, j’ai tendance à oublier l’impact important, et notamment sur l’indice français CAC40, du redémarrage de l’économie chinoise qui a permis à notre cacounet national de faire un sommet historique en cours de semaine. J’ai presque envie de vous dire que le meilleur indice chinois du monde n’est pas en Chine mais en France, ce qui en fait sa force aujourd’hui mais qui pourrait parfaitement en faire sa faiblesse demain, Bref, n’achetez pas aveuglément, les arbres ne montent pas au ciel.
Perspectives macro-économiques pour les jours à venir
Cette semaine sera raccourcie d’une journée en raison d’un jour férié aux Etats Unis. Ainsi, lundi comptera pour du beurre, sauf événement conséquent. Voici le tableau des chiffres à scruter pour cette semaine (heure de Paris):
La semaine que nous entamons sera marquée par les chiffres de l’inflation européenne. Il est d’ailleurs à noter que les consensus (aïe, j’ai mal à mon latin !) ne sont pas spécialement baissiers sur la zone. On pourrait avoir une mauvaise surprise de ce côté-ci vu que, du côté américain, les consensus n’ont pas été respectés. Une remontée de l’inflation est possible sur le Vieux Continent. On fera aussi attention aux traditionnels indicateurs de confiance outre-Rhin : l’indice ZEW de mardi à 11h et l’indice IFO de mercredi à 10h. Ils sont potentiellement des animateurs de la cote européenne, même si je vois plutôt l’inflation comme le catalyseur des arbitrages des opérateurs de marché.
Ce n’est qu’en fin de semaine que les statistiques américaines reprendront le dessus, à partir de jeudi. L’ensemble des indicateurs que vous voyez dans le tableau est à scruter. Il faudra juste faire attention à ce que les consensus soient respectés. Dans le cas contraire, vous observerez la réaction du marché combinée à celle de l’indicateur de la peur qu’est le VIX. C’est cette combinaison qui vous donne des éléments intéressants d’arbitrage sur votre portefeuille.
Donc, attention à cette semaine qui risque de confirmer ce sentiment grognon du marché, l’inflation fait de la résistance… Elle redevient le centre des préoccupations macroéconomiques du moment. Vivre une correction (modérée) sur l’ensemble des places occidentales me semble être un scénario assez probable, c’est en tous les cas dans ce sens que j’aborde cette semaine.