Le titre Michelin vient de revoir la barre des 30 euros, gagnant 15% depuis le 1er janvier. Cela faisant suite à de très bons résultats qui viennent d’être annoncés : des ventes de 28,6 milliards d’euros en 2022, en hausse de 20,2% par rapport à l’exercice précédent, et un résultat opérationnel passé de 2777 M€ à 3021 M€, soit une hausse de 8,8% en douze mois. Quant au résultat net, il a progressé quant à lui de 8,9%, pour s’établir à 2009 M€ au titre de 2022.
Dans l’excellent film de Clint Eastwood, American Sniper, qui se déroule en Californie, on peut voir, placardées dans un garage, plusieurs publicités Michelin. Dans la même Californie, le guide Michelin répertorie 90 restaurants étoilés ; qui ont donc la célèbre « étoile Michelin ».
Oui, le bibendum est connu dans le monde entier et ce nom bien franchouillard de « Michelin » a fait le tour du monde. A la base symbole du pneumatique, il est aussi devenu le symbole du voyage, et bien sûr de la gastronomie. Figurer dans le guide rouge et y décrocher la célèbre étoile reste un must pour tout chef cuisinier ayant besoin de fabriquer sa notoriété.
Mais le célèbre guide rouge peine à se vendre à 50.000 exemplaires par an, alors qu’il culminait à 600.000 exemplaires il y a 30 ans. Il suit le marché du livre en général. Il est surtout une vitrine pour le groupe. Vitrine de prestige et de notoriété. Gage de confiance. Car le principal business de Michelin, ce sont les pneumatiques. Depuis 2020, Michelin est redevenu le numéro 1 mondial de la fabrication et de la commercialisation de pneumatiques. Devant Bridgestone et Goodyear. Les produits du groupe sont principalement commercialisés sous les marques Michelin, BFGoodrich, Kleber, Uniroyal et Taurus.
Récemment, Michelin, s’est aussi lancé dans un programme d’acquisition de sociétés dans la télématique, comme la société Masternaut, une entreprise française spécialisée dans les services de géolocalisation et de télématique embarquée. Auparavant, le célèbre groupe au bibendum avait acquis Nextraq en Amérique du Nord et Sascar en Amérique du Sud (leader brésilien de la gestion digitale de flottes et de sécurisation des biens transportés).
Pourquoi avoir investi dans un tel secteur? Car Michelin y voit une complémentarité avec son métier de base et pense à l’importance croissante de la digitalisation de l’économie.
Michelin apparait donc clairement comme une vraie multinationale présente dans 68 pays et employant plus de 100.000 personnes. La France ne représentant que 9% à peine de son chiffre d’affaires. Ce développement a été réalisé avec un cadre juridique assez rare pour être noté. En effet, la Compagnie générale des établissements Michelin (c’est son vrai nom), n’est pas une société anonyme mais une société en commandite par actions. L’autre statut, à part la Société Anonyme, qui permet de bénéficier d’une cotation en bourse. La commandite est une société commerciale dans laquelle les associés de la société sont divisés en deux groupes appelés les commandités et les commanditaires. Les commandités sont responsables indéfiniment et solidairement des dettes de la société et leurs titres ne sont pas librement cessibles. Quant aux commanditaires, ils ont le même statut que les actionnaires d’une Société Anonyme. L’avantage de la commandite est de pouvoir maintenir une meilleure indépendance pour le maintien d’un pouvoir familial, puisque les commandités ne peuvent pas être débarqués de la même manière que dans le cadre d’une Société Anonyme.
Depuis le décès d’Edouard Michelin à 42 ans en 2006 à l’occasion d’une sortie en mer, la famille Michelin n’est plus aux commandes. Depuis ce décès, ce sont respectivement messieurs Senard puis Menegaux qui ont exercé le pouvoir à la tête de l’entreprise, qui, jusqu’en 2006 n’avait compté que des héritiers Michelin à sa tête. Aujourd’hui, la famille Michelin se fait très discrète. Sa part dans le capital du groupe est estimée à 4% via la holding Mage Invest. Mais le statut de commandite lui permet de peser dans les décisions du groupe, bien plus que ce qu’il en aurait été dans le cadre d’une Société Anonyme.
Tout cela nous conduit naturellement vers les aspects financiers.
Bourse et finances
Cotée en bourse, et faisant partie du CAC 40, Michelin est une société moyennement considérée du marché. Le cours de bourse est assez dépendant des fluctuations du secteur automobile, bien que le titre Michelin offre à ses détenteurs plus de sécurité qu’un titre purement automobile. En effet, même en cas de crise du monde automobile, les automobilistes auront besoin de changer leurs pneumatiques ! Que les mutations se fassent vers l’électrique ou l’hydrogène, il faudra toujours des pneus pour rouler!
Les investisseurs apprécient donc la diversification géographique de Michelin tandis que le statut de commandite, qui peut être un repoussoir pour les fonds internationaux, rassure les actionnaires individuels dits petits porteurs. Blackrock est bien sûr présent, mais seulement à hauteur de 5% du capital, tandis que les autres investisseurs sont français, parmi lesquels la Caisse des Dépôts et Consignations.
Les investisseurs apprécient aussi la croissance du chiffre d’affaires, même si cette dernière peut s’avérer parfois accidentée d’année en année.
Quelques chiffres consignés dans le tableau suivant témoignent de la croissance à long terme de ce groupe. Une croissance liée à l’accroissement du transport terrestre dû aux échanges internationaux.
ANNEE | 2003 | 2008 | 2013 | 2017 | 2019 | 2022 |
CHIFFRE D’AFFAIRES (en milliards d’euros) | 15.37 | 16.40 | 20.24 | 21.9 | 24.13 | 28.6 |
RESULTAT NET (en milliards d’euros) | 0.32 | 0.35 | 1.13 | 1.7 | 1.75 | 2.01 |
Source : « Bourse de Paris, 10 grands patrons, 10 grandes histoires » de Yoann Laurent-Rouault, JDH Editions
Les confinements imposés en 2020 par les autorités étatiques avaient pénalisé les chiffres du groupe, du fait des interdictions de déplacements. Moins de transports, rimait avec moins de production de pneumatiques. Mais tout cela a été largement rattrapé depuis puisque l’exercice 2022 dépasse l’exercice 2019 qui avait été le meilleur de l’histoire du groupe.
La cote d’amour que voue le marché à Michelin est très moyenne et n’a rien d’exceptionnel. L’entreprise se paye actuellement à 11 fois à peine les bénéfices de 2022.
Michelin apparait comme un poids moyen du CAC 40 en termes de chiffre d’affaires mais un poids léger en termes de capitalisation boursière.
Ainsi, en juillet 2021, Michelin était la 29ème capitalisation boursière de l’indice et la 25ème entreprise sur 40 sur le critère de son chiffre d’affaires.
Pourtant, quel symbole de notre industrie!