La politique de restriction des taux devrait enfin démarrer en zone euro ! Après Jackson Hole aux Etats-Unis, la volonté de stopper l’inflation en Amérique du Nord et en Europe s’est nettement réaffirmée. De plus, la baisse significative (et historique) de l’euro renforce la pression sur la Banque centrale qui ne semble pourtant pas réagir à l’extrême dégradation de la situation monétaire. Malgré tout, la BCE semble durcir progressivement le ton ces dernières semaines en visant d’augmenter son taux directeur à 1,3 % sur le premier semestre 2023. La réunion du 8 septembre de la BCE est très attendue. En outre, une hausse de 75 points de base du taux directeur est attendue.
Dans ce contexte, l’euro pourrait rebondir. Mais les craintes chez de nombreux économistes persistent à dire que l’euro pourrait poursuivre sa tendance baissière en dépit de la hausse des taux en zone euro. Le risque d’une hausse des taux en zone euro induit plus des risques monétaires que financiers. Du côté financier, la hausse des taux viendrait accélérer les tensions sur les dettes souveraines et sur les marchés financiers. Décryptage des prochains mois de turbulence monétaire…
Vers une hausse « importante » des taux en zone euro ?
Alors que l’inflation s’est manifestée de manière relativement simultanée aux Etats-Unis et en Europe, avec une légère avance des Etats-Unis, la BCE a largement tardé à resserrer sa politique. Sur le milieu d’année 2022, la BCE est seulement sortie des taux négatifs !… Ce qui n’est pas un grand succès lorsque l’inflation en zone euro atteint près de 9 % sur un an en juillet. Jamais l’écart entre l’inflation et les taux ne fut si grand. Jamais le risque supporté par les investisseurs de perte de valeur de leurs avoirs ne fut si grand (obligations…).
Ces dernières semaines, la BCE semble avoir durci le ton de la restriction monétaire. Dans ses projections, la BCE anticipe un taux de 1,3 % sur le premier trimestre 2023, avant d’augmenter à 1,8 % d’ici 2024. Cela signifie que la BCE viendrait à augmenter de plus de 100 points de base son taux directeur d’ici 6 mois.
« L’anticipation médiane (et majoritaire) était que le taux des principales opérations de refinancement de l’Eurosystème augmente régulièrement, passant de 0,5 % au troisième trimestre 2022 à 1,3 % au premier trimestre 2023. Les taux d’intérêt devraient se situer à un niveau moyen de 1,5 % (contre 0,6 %) en 2023 et atteindre 1,8 % (contre 1,0 %) d’ici 2024 (voir graphique 15a). » – Banque centrale européenne – The ECB Survey of Professional Forecasters – Third quarter of 2022 (europa.eu).
Quelles conséquences sur les marchés ?
La hausse des taux a un impact essentiellement négatif sur les marchés. La première explication consiste à mesurer la restriction des liquidités (et donc la restriction de demande des actifs financiers) qui opère lorsque les taux augmentent. Dans le second cas, la baisse des marchés induite par la hausse des taux peut s’expliquer par le fait que des taux plus importants sur le crédit peut détourner les investisseurs d’acheter des actions dont le rendement (les dividendes) paraîtront plus faibles. Cela explique le comportement essentiellement baissier ou latéral des marchés durant les périodes de hausse des taux.
Qu’attendre donc d’un resserrement monétaire en zone euro ? Dans le cas des Etats-Unis, nous avions vu que a masse monétaire s’était réduite très légèrement, ce qui a laissé les marchés confrontés à une baisse du PIB réel, qui a amplifié le mouvement de correction. Cependant, on a assisté à une baisse dans les mêmes proportions des indices européens. En conséquence, la hausse des taux en zone euro pourrait confirmer le risque récessif, ce qui génèrerait des tensions supplémentaires sur les marchés.
Néanmoins dans la situation des Etats-Unis, qui sont proches du taux neutre à moyen terme, cela nous renseigne sur le fait que les hausses de taux à venir seraient idéalement moins élevées dans cette région. En conséquence, d’un point de vue économique, la situation pour les marchés financiers serait encore dégradée pour un semestre environ.
La hausse des taux suffira-t-elle à faire rebondir l’euro ?
A ce jour, l’écart de taux entre le 10 ans allemand et le 10 ans italien est de 230 points de base (contre 250 points de base enregistré au pic des tensions en juin). Dans le même temps, le taux obligataire de l’Italie (10 ans) est passé de 1,4 % en début d’année 2022 à près de 4 % aujourd’hui. Ces niveaux sont ceux de 2013 !… En conséquence, on assiste à la hausse généralisée des taux, et bien que les risques de fragmentation demeurent stables, la soutenabilité du niveaux des taux dans certains pays devient difficile.
La hausse des taux directeurs en zone euro est un facteur direct de risque de crise des dettes publiques. En outre, en 2010 et 2011, la BCE avait globalement maintenu ses taux directeurs stables, ce qui a atténué le risque de dislocation de l’euro. A ce jour, la hausse sans précédent des taux menacerait la stabilité de l’euro. Cela amène plusieurs économistes à dire, au regard de l’extrême dégradation de la balance commerciale en zone euro, qu’un rebond de l’euro serait déjà un scénario très optimiste en dépit d’une politique restrictive.