Début juillet, la publication de la balance commerciale pour l’Allemagne a fait trembler l’euro. En effet, pour le mois de mai, l’Allemagne a affiché un solde commercial déficitaire de près de 1 milliards d’euros. Bien que ce déficit soit en lui-même limité, l’évènement mérite d’être souligné. L’Europe s’était traditionnellement habituée à une Allemagne en excédent commercial continu depuis 1991. Le renversement de la tendance pour l’Allemagne remonte à 2018.Mais un tel changement pourrait bouleverser significativement l’équilibre monétaire européen. Dans la foulée, l’euro a cédé vers un plus bas historique de 20 ans ! Quels sont alors les risques associées à un changement structurel des économies européennes ?
L’Allemagne en déficits !
En plus de son déficit commercial, l’Allemagne est de nouveau entrée en déficit budgétaire. En 2018, l’Allemagne était encore en excédent budgétaire avec un solde à +1,8 % du PIB, et +1,5 % en 2019. La crise du COVID a provoqué un nouveau choc pour les finances publiques allemandes dont le déficit s’élève à -3,7 % du PIB en 2021. La dette publique allemande est ainsi passée de 59 % du PIB en 2019 à près de 69 % du PIB en 2021. Notons que ces niveaux de dettes sont relativement conformes aux règles énoncées par le Traité de Maastricht. Traité duquel la France est loin en matière d’exemplarité…
En ce qui concerne le déficit commercial, ce revirement de tendance s’explique principalement par le désintérêt pour l’industrie automobile d’une part, et la hausse du coût des énergies importées d’autre part. Cet évènement est d’autant plus important que nous devons rappeler que l’Allemagne est globalement créancière du système bancaire européen. L’Allemagne comblait la plupart des besoins de financement des pays du Sud de la zone euro de manière très corrélée à son excédent commercial.
Un phénomène européen inquiétant…
Jusqu’alors, on s’était habitué à ce que l’économie de la zone euro soit fragmentée entre pays du Nord et pays du Sud. Désormais, la menace qui pèse sur la zone euro est plus grande qu’il ne fut possible d’envisager pour les fondateurs de l’union économique. Le désintérêt pour l’Europe devient progressivement structurel, et le dynamisme des pays du Nord ne suffit plus à compenser les difficultés des pays du Sud. En outre, il est important de rappeler que les pays du Nord sont globalement « créanciers » des pays du Sud.
Le graphique ci-dessus montre les soldes de chaque pays au sein du système de paiement TARGET 2. Le système TARGET 2 est un système de paiement interbancaire entre banques de la zone euro. On remarque que l’Allemagne est largement créditrice des déficits de paiements des pays comme l’Italie, l’Espagne et la BCE. Dès lors, l’absence durable de dynamisme budgétaire et commercial en Allemagne menacerait l’ensemble de la zone euro d’une crise de liquidités. Nous devons souligner l’importance du phénomène : un aggravement de la situation économique de l’Allemagne pourrait avoir des conséquences irréversibles pour l’euro.
En outre, certains pays comme la France voient aussi leur déficit commercial se creuser considérablement. En mai 2022, le déficit commercial pour la France s’élevait à un nouveau record de -12,4 milliards d’euros (plus de 100 milliards de déficit sur 1 an). C’est-à-dire que les français perdent près de 4 % de leur revenu en raison du déficit commercial sur les 12 derniers mois, ce qui est inquiétant. Une des explications majeure est le financement de plans de relance qui servent, pour beaucoup, au financement de produits extérieurs. De plus, la hausse du coût des énergies importées, et le déclin de l’industrie française, expliquent cette tendance dérisoire. Les exportations françaises étant principalement des services.
Jusqu’où peut descendre l’euro ?
L’euro, au plus bas depuis sa diffusion aux économies européennes (2002), se retrouve désormais dans le vide. La parité est désormais quasiment atteinte avec le dollar : 1$ = 1€ ! D’un point de vue technique, l’euro avait profité en 2001 d’un « V Bottom » très approfondi. Cela a laissé l’amplitude à l’euro pour rebondir face au dollar jusqu’à 1,60 en 2008. La suite ne fut qu’une succession de tops dans un canal baissier.
Récemment, la figure de cassure était suggérée par un double top formé depuis 2017, ainsi qu’un rounding top (demi-cercle qui signale un plafonnement des cours). Les objectifs à la baisse suggérés par ces différentes figures seraient : 0,965 ; 0,935 ; 0,895. Un rebond n’est évidemment pas à exclure, mais la tendance reste baissière. Dans le cadre de l’objectif intermédiaire, la baisse pour l’euro serait encore de 8 % ! A noter que l’EUR/USD a déjà chuté de près de 18 % face au dollar depuis son plus haut de juillet 2020. Mais une telle poursuite de la tendance baissière peut laisser présager de potentielles instabilités fortes.