Après avoir examiné le processus par lequel s’est déclenchée la crise de 1929 (NAISSANCE DES CRISES FINANCIERES (1) : L’exemple de 1929 – Youtrading FR), examinons à présent le déclenchement de la crise de 2008, et nous verrons que, 80 ans après, les mécanismes furent semblables.
Au début des années 2000, les Etats-Unis connaissent une période de croissance rapide. Les technologies numériques semblent enfin produire leurs effets, et le crédit est abondant et peu coûteux dans un contexte ou la banque centrale a baissé ses taux directeurs suite à la crise antérieure, consécutive à l’éclatement de la bulle internet et aux attentats du 11 septembre 2001. Des innovations financières se développent au travers de la titrisation : les crédits immobiliers accordés par les banques sont regroupés puis découpés en produits financiers complexes revendus sur les marchés internationaux à des banques, compagnies d’assurances, fonds d’investissements. On pense alors que cette technique aboutit à une diversification des risques, d’autant qu’en cas de problème de remboursement d’un emprunteur, il suffit de saisir sa maison et de la vendre, dans un contexte où les prix de l’immobilier sont en hausse depuis plus de 15 ans. Mais on assiste en réalité à la formation d’une bulle immobilière. La hausse des prix génère des comportements mimétiques (et donc des prophéties autoréalisatrices) et du surendettement. Les banques accordent des crédits même à des ménages avec des capacités de remboursement limitées (ce segment de clientèle est dénommé « subprime ») puisqu’elles en ont transféré le risque à des investisseurs internationaux. Mais à partir de 2005-2007, les taux d’intérêt remontent, les échéances des crédits immobiliers (à taux variable aux Etats-Unis) deviennent trop élevées pour une partie des emprunteurs. Les taux de non-remboursement explosent, ce qui aboutit à des saisies immobilières en chaîne. Problème : il n’y a plus d’acheteurs, et les banques qui ont saisi les biens immobiliers procèdent à des ventes forcées qui fait baisser les prix du collatéral (le bien immobilier en gage du prêt), accentuant la crise immobilière, qui va se transformer en crise financière et en crise économique.
La « Grande Récession » de 2008, qualifiée de crise des subrimes, s’explique alors par le rôle particulier de la titrisation.
Lors de la crise des subprimes, plusieurs catégories d’acteurs bancaires sont touchées :
– les banques américaines qui avaient accordé des crédits immobiliers et qui réalisent alors de lourdes pertes
– les investisseurs internationaux qui avaient souscrit, via la titrisation, des titres financiers adossés à des crédits subprimes
– des banques d’investissement qui avaient vendu des produits d’assurance contre le risque de non remboursement des crédits subprimes (c’est notamment le cas de banque Lehman Brothers qui fera faillite en 2008).
Dans ce contexte de fragilité mondiale du système bancaire, les banques perdent confiance, et refusent de se prêter des liquidités sur le marché interbancaire. La crise de liquidité se propage par effet domino. Des clients craignant pour leurs économies se ruent à nouveau au guichet, comme pour la banque Northern Rock en 2008. Mais contrairement à 1929, les interventions des banques centrales seront massives pour éviter une crise de liquidité généralisée. Elles prêteront sans limite à taux faible voire nul de la monnaie centrale aux banques qui en auront besoin.
Mais comment les crises financières se transmettent-elles à l’économie réelle ? L’économie réelle correspond à la sphère économique de production et d’utilisation des biens et des services sans tenir compte des flux monétaires et financiers : production, consommation, investissement, emploi…
Le premier canal de transmission de la crise est la contraction de l’offre de crédit (credit crunch) : comme les banques éprouvent les plus grandes difficultés à trouver des liquidités, du fait de la baisse de la croissance, qu’elles ont réalisé des pertes importantes, et que la crise les rend pessimistes sur la conjoncture économique à venir, elles sont réticentes à octroyer des prêts aux entreprises et aux ménages. Le coût des emprunts – le taux d’intérêt – est également accru, car l’ensemble des créanciers exigent des primes de risque plus élevées en raison de la crise de confiance qui s’est installée. Les PME (petites et moyennes entreprises) sont les premières à souffrir de cette situation, les banques préférant les emprunteurs les moins risqués (États et grandes entreprises). L’assèchement du crédit réduit l’activité économique : sans la possibilité de recourir à des emprunts, les ménages réduisent leurs dépenses, tandis que les entreprises reportent ou annulent des investissements, voire rencontrent des problèmes de trésorerie pouvant les mener à la faillite. Et pour reconstituer des liquidités, les entreprises, et les particuliers vendent des actifs, donc des actions, voire des biens immobiliers, ce qui fait baisser leur prix. Cela créé un choc de demande négatif, autrement dit une baisse de la demande, qui entretiendra la baisse de la croissance. C’est un cercle vicieux qui se met en place. Qui a été très clairement identifiable en 2008.
Le second canal réside dans la dépréciation (perte des valeurs) des actifs, mobiliers et immobiliers. La baisse des prix de l’immobilier et la chute des cours boursiers dévalorisent les patrimoines des desménages, d’autant plus qu’ils possèdent de nombreuses actions et obligations. Ils voient donc leur richesse réelle baisser et peuvent avoir tendance à épargner davantage afin de reconstituer la valeur initiale de leur patrimoine. Si les comportements des ménages s’ajustent de cette manière, il y a un effet négatif sur la consommation qui amplifie la crise. Autrement dit, les comportements de consommation et d’investissement dépendent en partie du patrimoine. Plus il est élevé, plus on se considère riche et ainsi on consomme et on investit, et inversement. C’est ce qu’on appelle l’effet de richesse. Cet effet est particulièrement visible aux États- Unis, car les ménages américains sont très sensibles aux dépréciations d’actifs, du fait de leur épargne retraite investie pour moitié en Bourse. De plus, aux États-Unis et au Royaume-Uni, la dépréciation des actifs pèse aussi sur la consommation par le biais de la capacité d’endettement des ménages. Celle-ci dépend en effet de la valeur des patrimoines : quand un ménage voit la valeur de sa maison progresser, il peut à nouveau s’endetter à hauteur de cette plus-value potentielle.