L’on entend beaucoup parler de « paupérisation » à chaque crise. Paupérisation? Quelle est la définition? Paupérisation signifie tout simplement appauvrissement. Mais on ne parle pas de la paupérisation d’un individu comme on pourrait parler de l’appauvrissement d’un individu. La notion de paupérisation concerne le plus souvent une classe sociale, un groupe social (par exemple les ouvriers, les fonctionnaires, les classes moyennes… ), voire un pays tout entier ou un ensemble de pays (par exemple la paupérisation de l’Occident).
La définition même de la paupérisation renvoie à celle de pouvoir d’achat. En effet on peut dire qu’il y a paupérisation lorsqu’il y a baisse du pouvoir d’achat. Rappelons que le pouvoir d’achat est la quantité de biens et de services que vous pouvez vous offrir avec vos revenus.
Si le prix de ce que vous achetez augmente, mais que vos revenus stagnent, votre pouvoir d’achat va baisser, c’est arithmétique! Si les prix montent, mais que les revenus montent, tout dépendra de l’ampleur de la hausse de chacun d’eux. Si votre revenu croît de 10%, mais que les prix croissent de 15%, votre pouvoir d’achat diminue. A l’inverse il augmente si les prix n’augmentent que de 5% quand votre revenu croît de 10%. Une baisse du pouvoir d’achat d’une population entraine une paupérisation de cette dernière.
Après la crise du Covid, on a beaucoup entendu parler de paupérisation. Mais celle-ci n’est pas nouvelles. Elle est rampante depuis de longues années et n’est certainement pas empêchée par la croissance économique. Au contraire. La croissance est très liée au progrès technique. Et le progrès technique est en grande partie à l’origine de la paupérisation.
Prenons les péages sur les autoroutes. Plus un seul péage en France n’est encore humanisé. Les cabines de péage avec leurs guichetiers sont aux autoroutes ce que la cabine téléphonique est aux télécoms : le souvenir d’une époque révolue. Le progrès technique est passé par là. En fait, le progrès technique a des effets terribles lorsque les machines et les hommes sont substituables, c’est-à-dire lorsqu’on peut remplacer l’un par l’autre. Les salons de coiffure, par exemple, ne sont pas concernés, du moins pas tant que les robots coiffeurs n’auront pas été inventés. Mais les caissières sont de plus en plus concernées. On trouve même aujourd’hui certains supermarchés sans caissières. Ce sont les emplois les moins qualifiés qui sont concernés par ce remplacement, ainsi que les plus routiniers (les machines pouvant plus facilement remplacer les emplois routiniers), ce qui entraine un chômage de masse et un besoin massif de reconversion que tous les déclassés n’arrivent pas forcément à assumer. D’où une paupérisation qui n’est pas nouvelle, qui a concerné, il y a quelques décennies l’industrie (automobile par exemple) avant de toucher de plein fouet le tertiaire aujourd’hui. C’est en partie en raison de ce phénomène structurel que le RSA (ex RMI) a été mis en place. Et qu’aujourd’hui l’on pense de plus en plus sérieusement à un revenu universel.
De plus, en France, pays très fonctionnarisé, avec une fonction publique qui représente 27.6% de l’emploi (selon INSEE, 2018), la sécurité de l’emploi rime avec faiblesse salariale. Le salaire des enseignants par exemple n’a augmenté que de 12% entre 1998 et 2018 (source Laviemoderne.net) soit 4 fois moins que les salaires dans le secteur privé et presque trois fois moins que l’inflation. Ainsi le pouvoir d’achat de cette profession se réduit, ce qui les rapproche de la paupérisation.