Alors qu’il y a encore dix ans, tout étudiant qui aurait parlé de prix négatifs ou de taux d’intérêts négatifs dans sa copie se serait vi immédiatement apposer un zéro pour « non sens » sur cette dernière, force est de constater que les prix négatifs sont devenus une réalité !
Dans la théorie économique, les économistes ont placé une contrainte sur le modèle de formation des prix : aucun prix ne peut être négatif. Un agent économique ne peut être rétribué pour consommer un produit.
Mais la science économique n’est pas une science exacte. La complexité du monde économique dans lequel nous vivons, la domination des marchés financiers, de plus en plus volatiles, a fait émerger le concept de prix négatifs, que nous avons bel et bien vécu en avril 2020, il y a un an, avec le pétrole. Le 20 avril 2020, le cours du baril de pétrole WTI est devenu, l’espace de quelques heures négatif!
On peut considérer que si vous ne voulez plus de votre canapé, par exemple, et que personne n’en veut, même gratuitement, eh bien si vous êtes prêt à payer pour vous en débarrasser, son prix est négatif! C’est ce qui s’est passé avec le cours du pétrole!
Le concept de prix négatif ne serait donc possible que pour ce qui est stockable et prend de l’espace. Ce dont on peut vouloir se débarrasser « à tout prix », quitte à payer pour cela!
Mais un prix négatif, c’est aussi un taux d’intérêt négatif. Car le taux d’intérêt est le prix de l’argent. La présence d’un taux négatif est favorisée dans un monde de déflation où les agents économiques prévoient une baisse générale des prix.
Et cela fait plusieurs années que certains taux d’intérêt sont négatifs comme l’Euribor ou le taux lié aux obligations allemandes.
C’est depuis le milieu de l’année 2018 que les rendements des emprunts d’Etat à 2 ans de nombreux pays européens sont devenus négatifs ( Suisse, Pays-Bas, Allemagne, Suède, etc). Puis ce fut au tour des emprunts à 10 ans. Et Cela s’est généralisé depuis.
Si on prend les OAT émises par la France sur une durée de 10 ans (les fameuses OAT France 10 ans), cela fait maintenant bientôt 2 ans qu’ils sont négatifs ! Autrement dit, la France, quand elle emprunte, ne paye pas d’intérêts mais se fait payer des intérêts !
Ce « miracle » n’est pas dû à un « excès d’épargne mais tout simplement aux rachats par la Banque Centrale Européenne de titres de dette souveraine (et même d’entreprises), les fameux quantitative easing.
Le gouverneur de la BCE achète les titres de dettes d’Etat aux institutionnels et remet dans le circuit de l’argent (du crédit) tout nouveau tout beau. .
Faisons une analogie avec l’immobilier pour être encore plus clair. Imaginons que l’Etat français construise sept fois plus de logements sociaux que de foyers en demande de logements. Pensez-vous que vous aurez du rendement sur vos investissements en logement locatif ? L’épargne sur la pierre passerait en « rendement négatif » : il faudrait que vous dépensiez de l’argent pour entretenir des biens inlouables en raison de la concurrence déloyale de dizaines de millions de logement sociaux. C’est exactement la même chose avec la monnaie…
Le système monétaire et financier actuel n’a absolument pas besoin de votre argent. Il le crée, à volonté.
Mais, comme vous vous en doutez, il y a un piège. L’envers du crédit, c’est la dette.
Car les taux négatifs ne sont que le résultat d’une planche à billets moderne qui produit une inflation sélective : celle des actifs financiers et de l’immobilier.
L’inflation des actifs financiers fait les affaires du système bancaire et financier.
L’inflation des actifs immobiliers permet à l’Etat de taxer les propriétaires.Et à ces derniers d’être satisfaits et heureux, ayant un faux sentiment de richesse. Faux car construit sur une bulle spéculative. Faux car lorsque l’on vend un bien pour en acheter un autre, on réalise que le bien à acheter est tout aussi cher que le bien vendu, donc il n’y a pas de véritable effet richesse.
On peut néanmoins y voir un progrès immense par rapport à l’inflation de nos ancêtres qui conduisait bien plus rapidement qu’aujourd’hui à des désordres monétaires et une révolte populaire.
Mais combien de temps ce système tiendra-t-il ? C’est la question…